La Rage au ventre est un film classique. Il ne le cache pas en insistant quotidiennement sur la performance de Jake Gyllenhaal, surement promis aux nominations des prochains oscars (faut arracher les statuettes de Mc Conaughey !). Il manipule donc les ingrédients classiques, exploitant le drame familial, formant la boucle de la déchéance suivie du serrage de ceinture et de la reprise en main. Salutaire pour la vie de famille et la carrière professionnelle (le suspense sportif sera gardé jusqu'à la fin). Le self made man dans toute sa splendeur à l'américaine, avec ses prises de conscience usées jusqu'à la corde (mon équipe ces vautours, la vie c'est dur...), ses séquences codifiées (entrainement avec rap maousse, séquence déprime suivie du fou rire pour pas rester sur l'échec...) et son goût pour la proximité intimiste avec ses protagonistes.


C'est malheureusement long et sans jamais la moindre surprise. Les codes du film sportif (et plus précisément de boxe) sont constamment mis à contribution sans le moindre effort d'innovation car c'est bien un film à oscar qui veut jouer à fond sa carte du drame charismatique (Antoine Fuqua n'a jamais fait dans la subtilité, voir le désastreux Chute de la maison blanche). Le classicisme de la mise en scène est utilisé ici par une paresse qui veut se faire passer pour de l'académique. Car il n'y a que peu de séquences qui réussissent à créer une réelle proximité (Forest Witaker est celui qui y parvient le mieux, et Jake parvient toujours à convaincre, malgré la débilité légère du personnage qu'il incarne). Toujours, l'émotion est copieusement soulignée (la mort de la femme de Billy, séquence d'une lourdeur assommante), par la musique ou des cadrages insistants, souvent dans une outrance qui fatigue. L'intensité est en dent de scie, alternant entre le détachement total devant tous ces malheurs qui lui tombent dessus et quelques séquences réussies (notamment pendant les passages au foyer de prise en charge). On s'emmerde un peu parce qu'on connaît déjà l'histoire et que tous ces personnages sont creux. Ils n'ont pour goût que ce que leur argent leur permettent de s'offrir, à savoir du bling bling sans manière. Sa gentille femme avec ses chaînes en or de mauvais goût, ses rollex incrustées de diamants... La bande son signée Eminem est totalement à cette image de mauvais goût qui, parce qu'il se livre totalement en plein jour, croit s'offrir une candeur virginale qui fait authentique, vécu. Mission réussie, le personnage est aussi vulgaire que n'importe qui sans qu'on ait la moindre once d'empathie pour lui, à la rigueur une gentille pitié.


Toutefois, le film finit, dans son évolution, par faire reconnaître au personnage de Billy son vide intérieur, et à enfin le rendre tolérable parce qu'il arrête de roucouler. La fin est donc moins agaçante que le début. Mais c'est là aussi qu'une grave faute de goût se révèle, puisque le film continue alors de souligner copieusement les sentiments entourant les enjeux strictement sportifs. On comprend que ce soit ça le sport, mais quand un duel au sommet, c'est résumé à "ta salope est plus là !" "Nique lui sa gueule Billy !", c'est toujours décourageant (l'adversaire est aussi vulgaire que Billy). Avec évidemment la dramatisation facile de la gamine qui regarde le match en commentant tout de façon très inquiète pour faire monter la pression. Le film assume les limites de ses personnages, mais utilise des artifices tellement banals pour soutenir son rythme que c'est bien l'ennui qui domine. L'issue du match final importe peu, le vrai combat, c'est monsieur bling bling qui revient en bas de l'échelle et apprend l'humilité avant de remonter comme une fusée. Si il y a bien quelques moments d'efficacité et qu'on verra une certaine énergie dans les chorégraphies des combats, la vulgarité de la facture technique et de son intrigue rendent l'exercice de style pesant et très facile à oublier. Loin d'être honteux, mais très laborieux.

Voracinéphile
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le 9 août 2015

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