L'éclectique Antoine Fuqua vient signer son nouveau film, et pour l'occasion il se met au service d'un scénario de Kurt Sutter, créateur de la série Sons of Anarchy et scénariste majeur de la série The Shield. On est donc ici en face d'un film d'auteur mine de rien, car Sutter est un scénariste avec ses propres obsessions et thématiques même si il a parfois une vision assez restreinte des univers qu'il dépeint. Ici il veut s'attaquer à la boxe mais parvient-il à s'extirper des références que cela implique et à s'émanciper des clichés inhérents au genre ?


Il est clair que lorsque l'on connait un peu le style d'écriture de Sutter, on sait que l'on ne sera pas devant un film qui va briller par sa finesse et sa subtilité. Sons of Anarchy était plutôt une bonne série dans sa globalité mais elle était cousue de grosses ficelles, elle était très prévisible, la psychologie des personnages manquait de nuances et etc. Parfois néanmoins Sutter arrivait à traiter avec justesse l'univers qu'il voulait dépeindre et brosser des portraits d'hommes brisés et de femmes fortes relativement touchants. Si il y a d'ailleurs bien une chose pour laquelle est doué Sutter, c'est bien pour écrire des personnages féminins forts, même si ils manques de nuances. Il compose des femmes matriarches qui guident les hommes dans les moments de doutes et de peurs, qui sont capables du plus profond des amours mais aussi de la plus haute cruauté pour protéger leurs familles. Même si souvent ses positions sont assez réductrices, il arrive quand même à en tirer une certaine grâce et en faire des personnages solides. On retrouve cela ici, de tout façon Sutter traite l'univers de la boxe comme il a traité l'univers des bikers dans sa série. On retrouve les mêmes similitudes entre ses héros, des hommes violents et colériques qui rentre sur le chemin de la rédemption par amour pour leurs enfants et on retrouve la femme forte et matriarche qui conseille son mari durant les moments intimes, une scène est d'ailleurs typiquement issue de sa série, celle où le héros allongé dans un lit avec sa femme s'interroge sur son avenir et suit aveuglément les conseils murmurés par elle. Il imprègne aussi l'univers de la boxe du même aura qu'il avait imprégné les bikers, c'est une fraternité soudé mais qui dispose de ses rivalités et de ses traîtres. C'est très appréciable de voir une continuité et une cohérence dans l'oeuvre de Sutter mais malheureusement même si la première demi-heure est solide et efficace après cela se gâte pour tomber dans les chemins très balisés du film de boxe classique. Le problème c'est que Sutter à voulu trop en faire pour son premier scénario de long métrage et il a voulu trop s'éparpiller. Sauf qu'il n'a pas le talent nécessaire pour mener à bien une telle entreprise, il ne sait pas nuancer son propos, ni ses personnages comme celui du manager peu scrupuleux et celui du coach compréhensif et rédempteur , il est souvent très lourd dans l'élaboration de ses scènes et de ses dialogues, les passages entre le père et sa fille sont juste laborieux de niaiseries et il est très prévisible, même si ce dernier point n'est pas le plus grand problème du film. Au final sur le scénario il n'y a pas grand chose à retenir mis à part la patte artistique assez bancal et beauf de Sutter, il a une vision de la virilité très limité quand même, mais qui a ses fulgurances car à part ça on est sur le chemin calibré des films de boxes mais sans la virtuosité d'un Raging Bull, la grâce d'un Ali ou la force d'un The Fighter. Ici c'est très pompeux et on est plus proche d'un des plus mauvais épisodes de Rocky que d'un classique instantané.
Néanmoins la véritable attraction du film provient sans aucun doute de sa star, ici encore une fois métamorphosé, Jake Gyllenhaal offre une prestation puissante et habitée. Il n'est pas dans son meilleur rôle et il est lourdement handicapé par la caractérisation de son personnage, surtout au début, mais il arrive à faire transparaître sa rage avec une grâce folle. Que ce soit dans son regard, sa façon de se mouvoir ou de parler, il fait un travail de composition assez impressionnant et se montre encore une fois excellent. Après je regrette juste qu'il force un peu trop dans le style composition à Oscars surtout que je doute ici qu'il en soit nominé pour un, après tout il était bien plus magnétique et fascinant dans Nightcrawler, et il fut injustement oublié par l'académie. Sinon pour le reste du casting, les acteurs sont plutôt bon, mis à part Oona Laurence, qui incarne la fille du héros, qui est juste affligeante de nullité et ruine chacune de ses scènes. On retrouve sinon Forest Whitaker, égal à lui-même, Curtis Jackson est un peu plus figé dans son jeu mais fait le job tandis que Rachel McAdams s'en sort très bien malgré un rôle très court.
Après pour ce qui est de la réalisation on en dans du très classique, les sélections musicales sont sans imaginations tandis que les compositions de James Horner sont tantôt inspirées durant les scènes de boxe tantôt larmoyantes et fainéante durant les moments plus intime. Pour ce qui est de la mise en scène de Antoine Fuqua, celui-ci se fait oublier au profit d'un travail assez générique mais assez efficace et maîtrisé. C'est un travail sans personnalité mais comme toujours chez Fuqua cela sert bien le film. Les scènes de boxes sans être exceptionnelles sont prenantes et intense, même si elles tombent toujours dans les clichés (l’alternance de domination entre les rounds, le "monde entier" qui regarde et s'intéressant bien à la réaction de chacun à chaque moments capitaux et etc.) et le montage est suffisamment bien pensé pour accorder au film un rythme soutenu.


En conclusion Southpaw est un film franchement pas terrible. Trop classique et calibré, trop pompeux, manquant de personnalité malgré les tentatives de son auteur qui imprègne le film d'un style assez beauf et qui manque de nuance. On est probablement devant ce qui se fait de moins bien dans le film de boxe, suivant la rédemption du héros de manière peu intéressante néanmoins tout n'est pas à jeter loin de là. Le film n'est pas ennuyeux, il est plutôt bien filmé et certaines scènes sont solidement écrites et surtout le tout est magistralement interprété par la star du film. Jake Gyllenhaal tient littéralement le film sur ses épaules, d'ailleurs il est dommage qu'à part lui les autres acteurs n'en imposent pas autant. Il faut bien reconnaître que c'est lui qui sauve le tout du désastre car sans lui, les rares qualités du film n'aurait pas pesés bien lourds dans la balance et à lui seul, il justifie le déplacement. C'est un grand acteur mais c'est dommage que le film ne soit pas à sa hauteur, sinon on aurait clairement eu affaire à un monument.

Frédéric_Perrinot
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le 25 juil. 2015

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