« Père pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23, 34)

Intrigué par ce film muet sur Jeanne d'Arc, j'ai décidé de tenter l'expérience. Je ne m'attendais pas à être captivé à chaque seconde de ce chef-d'œuvre qui date presque d'un siècle.

La copie originale a été perdue pendant des décennies mais a miraculeusement été retrouvée en Suède dans les années 80 et a ensuite été restaurée avec d'autres copies.

Au début du film, nous ne sommes pas présentés à Jeanne la guerrière libératrice d'Orléans, mais à une simple femme qui se prépare à être jugée, Dreyer nous le souligne dès le départ avec le message "Une Jeanne comme elle l'a été aux derniers moments de sa vie, prisonnière des Anglais, une femme qui est morte pour son roi et pour son Dieu". Les dialogues appuyés par le document authentique du XVe siècle du procès-verbal de Jeanne d'Arc m'ont intrigué et j'attends de voir comment Dreyer va les utiliser pour sa mise en scène.

La mise en scène de Dreyer est prodigieuse, avec des cadrages serrés et des gros plans, un montage qui passe d'un plan du visage de la sainte rempli de peine et de crainte aux regards de ses bourreaux qui, à la différence de Jeanne, ont leurs visages remplis de joie, de rire et d'étonnement face à la posture de Jeanne qui continue à croire à ce qu’elle est. Cette mise en scène nous offre une vision de Jeanne d'Arc qui va au-delà de sa réputation historique, en nous présentant une femme qui se bat pour ses convictions jusqu'à sa mort, un être humain qui transcende les limites de la souffrance et de la mort pour rester fidèle à ses convictions.

La performance de Renée Falconetti peut être déroutante au premier abord, mais elle finit par nous emporter et nous bouleverser jusqu'à la fin. Elle capture à la fois la vulnérabilité et la force de ce personnage historique, en nous plongeant au cœur de ses doutes et de ses convictions. La réorchestration de la musique est également remarquable, ajoutant une dimension supplémentaire à l'expérience de visionnage en nous plongeant dans l'époque et l'ambiance de l'histoire.

Le titre nous montre d'emblée l'intention du parallèle avec le Christ. Dreyer nous peint une Jeanne d'Arc qui, jugée par les hommes, reçoit comme Jésus sa fausse couronne et est condamnée à mort. L'ombre du barreau de sa cellule qui forme une croix sur le sol durant son procès marque le parallèle.

Dreyer nous a donné une œuvre unique et singulière, qui nous fait ressentir de nombreuses émotions durant le visionnage. Une œuvre qui approche les 100 ans mais qui n'a pas pris une ride.

C'est un film qui défie les conventions et transcende les limites du cinéma. Il est à la fois un chef-d'œuvre visuel et un commentaire profond sur la nature humaine.

https://youtu.be/_Wa01IBNq7s?t=72