D'immenses secrets et non-dits traînent depuis toujours dans la famille de la jeune Asmae Elmoudir, qui gangrènent le quotidien de disputes, mettent bientôt en péril la mémoire familiale avec l'âge avancé de la grand-mère qui ne veut rien dire... Asmae a alors cette idée brillante : pour aider la parole à s'exprimer, pour extérioriser ce que chacun garde en lui, la voici qui fabrique une maquette de leur quartier, de leur maison, et des poupées à leur effigie. Si les humains ne communiquent pas, les poupées, elles, vont être bavardes. Et le stratagème fonctionne, il est évidemment plus facile de faire parler un tiers, surtout que les vérités sont d'une lourdeur inattendues... On comprend mieux l'attitude (très) difficile de cette mamie, quand on apprend sa vie atroce (

mariée à 12 ans, enceinte trop jeune, a perdu ses jumeaux à la naissance, s'est faite frapper par son mari jusqu'à redonner naissance à nouveau, abandonnée par lui, seule à élever ses enfants, dont un a péri en pleine manifestation...

On comprend qu'elle soit compliquée à vivre, honnêtement, elle en a plus que le droit). Au fur et à mesure des secrets révélés, on transpire, on compatit, on trouve le procédé utilisé génial (les marionnettes sont des visualisations simplifiées et poétiques de scènes de la vie). On avait misé sur le prix Un Certain Regard de la Mise en Scène, tant on aime fureter dans ces rues de carton, on aime la musique et les bruits qui nous donnent l'impression que les poupées sont vivantes, on aime s'immiscer dans le quotidien d'une famille (de carton-pâte) sans avoir l'impression d'être des voyeurs. Tout en cette mise en scène nous paraît d'une intelligence folle, et révèle une artiste à qui on souhaite clairement le meilleur pour la suite. Au moins la Dame a écouté les maux subis par la mamie, l'a invitée en cette Première au Festival de Cannes, elle qui ne regarde pas de films, n'aime pas qu'on parle d'elle... On l'avoue, cette Première nous a fait chaud au cœur pour cette famille reconsolidée à partir de simple carton-pâte.

Aude_L
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Festival de Cannes 2023

Créée

le 1 juin 2023

Critique lue 454 fois

3 j'aime

Aude_L

Écrit par

Critique lue 454 fois

3

D'autres avis sur La Mère de tous les mensonges

La Mère de tous les mensonges
PabloEscrobar
7

Anatomie d'un "chut"

Si l'on retient bien une leçon en sortant du visionnage de La mère de tous les mensonges, c'est que le silence ne se définit pas forcément par la retenue craintive et que le mensonge ne se définit...

le 4 mars 2024

9 j'aime

2

La Mère de tous les mensonges
Sergent_Pepper
7

Mémoire, mode d’emploi

L’inventivité narrative à l’épreuve du silence imposé par les tenanciers de l’Histoire : le principe est vieux comme le monde, mais ne s’essouffle jamais, et semble actuellement prendre un nouvel...

le 5 mars 2024

5 j'aime

La Mère de tous les mensonges
Mr_Purple
5

La parole manquante

On en aura vu ces dernières années des documentaires de cette facture, c’est-à-dire formatés par la fiction, dont l’exemple le plus marquant était le film de Laura Poitras. En reconduisant le...

le 3 mars 2024

3 j'aime

Du même critique

The French Dispatch
Aude_L
7

Un tapis rouge démentiel

Un Wes Anderson qui reste égal à l'inventivité folle, au casting hallucinatoire et à l'esthétique (comme toujours) brillante de son auteur, mais qui, on l'avoue, restera certainement mineur dans sa...

le 29 juil. 2021

48 j'aime

Bob Marley: One Love
Aude_L
5

Pétard...mouillé.

Kingsley Ben-Adir est flamboyant dans le rôle du jeune lion Bob Marley, âme vivante (et tournoyante) de ce biopic à l'inverse ultra-sage, policé, et qui ne parle pas beaucoup de la vie du Monsieur...

le 14 févr. 2024

38 j'aime

Dogman
Aude_L
8

Besson a lâché les chiens !

Caleb Landry Jones est vraiment stupéfiant, nous ayant tour à tour fait peur, pitié, pleurer (l'interprétation d’Édith Piaf en clair-obscur, transcendée, avec un montage si passionné, on ne pouvait...

le 18 sept. 2023

35 j'aime