6,5 millions de consommateurs de crack sur 84 millions d’iraniens, voilà le chiffre effarant et le triste constat sur lequel débute La loi de Téhéran, virée dans un pays ravagé par la criminalité.
La première séquence du film annonce déjà tout le désespoir qui l'écrase. Poursuivant une ombre sans pouvoir apercevoir le visage de celui qu’ils traquent, les policiers finissent par perdre leur cible qui se retrouve bloquée dans un trou de chantier avant d’être enterrée vivant sous plusieurs mètres cube de terre. Le quotidien des policiers de Téhéran se dévoile progressivement aux yeux du spectateur, entre poursuite inlassable de trafiquants et de possesseurs de drogue, les multiples interrogatoires et gardes à vue, et les cellules qui se remplissent sans cesse avec de nouveaux pensionnaires.
La loi de Téhéran s’intéresse d’abord à l’enquête, alors que les policiers que nous suivons ici se mettent en quête d’un trafiquant important afin de remonter la filière et tenter de marquer des points dans la lutte contre le trafic de drogues. Une immersion dans ce quotidien qui raconte une lutte qui semble perdue d’avance et qui donne lieu à des visions aussi spectaculaires qu’effarantes, à l’image de cette descente dans une sorte de bidonville fait d’immenses tubes en béton, sorte de ruche urbaine où s’anime une société parallèle. Mais si La loi de Téhéran démarre en prenant le point de vue de la police iranienne, le film va évoluer pour passer progressivement de l’autre côté et montrer la souffrance d’une société toute entière, touchée par le même mal et dépassée par ce qui lui arrive.
Alors que le film semblait montrer ces trafiquants en chef comme des gens puissants et riches, le rapport de force s’équilibre lorsque se dessine davantage le portrait de celui qui se fait appeler Nasser Khakzad, montrant un homme acculé, lui aussi dépassé par la situation, qui n’a eu que le trafic de drogue comme opportunité pour échapper à la misère et aider sa famille. La deuxième partie du film, qui se concentre davantage sur ce personnage, expose cette surpopulation carcérale aussi impressionnante que presque grotesque, construisant tout un tableau d’une frange de la société iranienne, jetée aux oubliettes par ses propres dirigeants et ses propres lois, devenus incapables d’assumer leurs errances, emprisonnant leur peuple dans une vie de misère.
La force de La loi de Téhéran réside dans cette capacité à retranscrire cette déroute totale, ce pessimisme manifeste provenant du fait que cette situation ne présente aucune issue, à l’image de cette famille qui doit regagner de force une maison située au fond d’une impasse minuscule. Un film qui semble parfois prendre l’apparence d’un film noir dans cette description d’une société confrontée à un échec sans précédent. Parvenant à bien écrire et à développer ses personnages, le film aura pour seul défaut de parfois chercher à rajouter toujours plus d’éléments et de sujets annexes, quitte à devenir trop profus et dense. Il n’en reste pas moins un film très efficace, par sa mise en scène, son propos et son écriture, qui éveille le spectateur au sort d’un peuple désemparé, condamné à se dévorer lui-même.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art