Un entomologiste navigue sur la houle sableuse du désert, foule et marque de son empreinte la surface instable. Avec son coucou, il immortalise les fascinantes bestioles objets de sa passion, dans un noir et blanc onirique et une sensation de liberté inspirée par l’immensité qui l’entoure. Un onirisme qui se traduit par ce plan improbable d’une barque enlisée en plein désert, plantée dans le sable, dans laquelle l’homme s’endormira dans ses derniers instants de liberté.

Nous rentrons alors dans un thriller rythmé par une musique horrifique, pris au piège chez l’habitante d’une cabane en bois nichée au fond d’un fossé, l’homme armé de son bob et de son filet à insectes ne peut pas grand-chose face à la force de la nature.

Son personnage coincé, le réalisateur nous balance toute sa maestria à la face, des images se superposent participant au cauchemar de l’avancée tumultueuse du grain sec, les jeux d’ombre et de lumière sur les contre-plongées d’une caméra visant la liberté inaccessible du ciel blanc nous lave les yeux de ce terrible sable qui s’infiltre partout.

En plein paysage extra-terrestre, lieu hostile où tout s’effrite, coule, où les parois se reforment sans cesse, Teshigahara met tout en valeur, de la dune géante jusqu’à l’insecte, il met tout en œuvre pour illustrer une lutte à contre-courant, un éloignement progressif de tout allant de pair avec un rapprochement relatif de l’habitante laissant place à des scènes d’une rare intensité.

Le désert fait glisser vers la folie, le sable passe sous les ongles et agrippe la peau, la soif fait trotter la trotteuse de plus en plus lentement et c’est dans cet enfer qu'intervient la conclusion fascinante, l’homme confronté à la triste réalité de son destin devient une bête, un animal comme les autres. Mis à nu, sous les projecteurs de la honte, c’est la débâcle humaine et le déni de la bonne tenue qui amènera finalement à l’acceptation d’un sort qui semble scellé à jamais.
Deleuze
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le 9 nov. 2013

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Deleuze

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