On n'entend plus guère cette maxime, très patriarcale, qui disait que, derrière chaque grand homme, il fallait chercher la femme. C'est pourtant assez vrai dans le cas de Tchaïkovski, de manière ironique et cruelle, sachant l'homosexualité du compositeur et l'érotomanie de son épouse honnie dont Kirill Serebrennikov dresse un portrait en forme de requiem. Dans cet entrelacs des signes qu'est La femme de Tchaïkovsi, le cinéaste russe fait se succéder les scènes comme autant de toiles de maître, dans une beauté crépusculaire, où le réalisme se mélange harmonieusement avec l'univers des fantasmes, avec plusieurs moments d'acmé saisissants (les hommes nus, l'incendie ...). Plus lisible que La fièvre de Petrov mais moins exaltant que Leto, ce qui est bien logique eu égard à son thème, dans une Russie tsariste effrayante en toile de fond, le film confirme, sans l'ombre d'un doute, la grandeur de mise en scène de Serebrennikov, qui devient (presque) l'égal d'un Zviaguintsev. Les 2 heures et 20 minutes de projection sont une sorte d'enchantement funèbre, excusez l'oxymore, qui en disent aussi long sur l'âme russe qu'un roman de Dostoïevski (un tantinet exagéré, peut-être, mais pas tant que cela). Dans ce drame puissant, l'interprétation d'Alyona Mikhailova est sidérante de bout en bout, anti-héroïne aux regards hagards, dont on se souviendra longtemps.

Cinephile-doux
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Au fil(m) de 2023 et Les meilleurs films de 2023

Créée

le 20 févr. 2023

Critique lue 89 fois

3 j'aime

Cinéphile doux

Écrit par

Critique lue 89 fois

3

D'autres avis sur La Femme de Tchaïkovski

La Femme de Tchaïkovski
Sergent_Pepper
8

Useless bride

La fièvre de Petrov perdait la conscience du spectateur en l’enfermant dans les délires d’un personnage sous l’emprise de la maladie : le nouveau film de Serebrennikov explore à nouveau le même...

le 17 févr. 2023

25 j'aime

4

La Femme de Tchaïkovski
Procol-Harum
8

Cette folle idée de résister à la honte du monde réel

Indéniablement, chez Kirill Serebrennikov, la forme est là pour servir le fond, pour nous dire quelque chose de ce réel piégeur et cafardeux que nous connaissons tant. Longtemps assigné à résidence...

le 17 févr. 2023

23 j'aime

2

La Femme de Tchaïkovski
domlap
3

Grand guignol

L'érotomanie est un trouble psychologique délirant qui se caractérise par la conviction chez un individu qu'il est aimé par un autre. Elle prend une forme obsédante qui se fixe généralement sur un...

le 15 juin 2022

18 j'aime

10

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 27 mai 2022

76 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

76 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

70 j'aime

13