L’affiche en promettait, des choses: le léopard, créature voluptueuse, mais aussi féroce, semblait représenter la fusion de l’érotisme et de l’horreur, Nastassja tentait avec son regard concupiscent et ses lèvres entr’ouvertes. C’est au charme de l’affiche en effet, et à la lecture d’un synopsis alléchant, présentant le remake comme une relecture osée mais logique de l’original, que j’ai choisi ce film dans la filmographie de Kinski, pensant tenir là peut-être une gemme négligée.

Voyant la durée conséquente, je me suis dit: «il doit donc avoir des choses à dire»... Monumentale erreur. Mal et bizarrement construit, il étale ses éléments intéressants entre des scènes chiantes et niaises et inutiles, détournant de l’intention apparente de montrer la condition tragique de ce peuple des chats. J’ai dû le voir en 2 fois, la première fois étant dangereusement près de m’endormir, et pas beaucoup plus emballé la seconde.

Super génial quand le frère disparaît le quart du film, pour permettre le développement de l’«histoire d’amour» (entre guillemets parce que je n’ai vu ni de l’amour ni du désir entre Irena et Oliver (le bg)), développement qui se focalise surtout sur la vie peu passionnante des trois employés de zoo, comprenant 2 beaux gosses et une chaudasse qui cache son jeu (sauf pour une scène de plan nichon gratuit: je ne soupçonnais pas que le film descendrait jusque là). Peu passionnante la vie, non parce que je m’en foutais et voulais voir l’histoire principale, mais parce que le scénario ne s’embarrasse de donner de la consistance à aucun personnage; au final, on ne sait rien de personne, tous évoluent dans le flou, les acteurs se dépatouillant comme ils le peuvent. Résultat: le charisme naturel ainsi que l’intensité sauvent Malcolm McDowell, Nastassja est niaisement quelconque, de même son prince, pauvre célibataire au cœur fragile, Alice (l’employée du zoo) est juste barbante avec sa jalousie, le seul trait qu’on connaît d’elle...

Le gros problème est qu’on se demande au moins pendant une bonne heure où va le film. Au début, prologue très beau, puis présentation des personnages Irena et Paul, le frère semble être bien suspectement attiré vers la sœur, puis en se transformant en léopard il tue une prostituée. Et disparaît. Une histoire peu engageante suit, entre une pseudo-enquête molle et le creux de relations entre protagonistes. Puis brusquement l’autre histoire réapparaît, au terme d’une ellipse qui laisse rêveur, puisque le film se déroulait normalement jusqu’alors. À partir de là, des ellipses une scène sur deux, et le tout apparaît haché et servi à la hâte. La fin, quoique au fond adéquate, ne comporte aucun climax (sauf peut-être celui du personnage de Nastassja, et encore), le manque d’atmosphère rendant insipides les enjeux.

L’horreur et l’érotisme promis ne sont jamais exploités à leur potentiel maximal, faute à l’histoire «romantique», et ressortent pâles, voire neutralisés. De plus, les contraintes imposées par la manipulation d’animaux obligent certes à réduire l’efficacité des scènes, mais même avec ça pouvaient en être tirés des moments de tension, or les tentatives sont ridicules comme la mort hilarante de l’employé beau gosse numéro 2, ou la scène «plus clichée tu meurs» du footing et piscine. Mérite d’être signalée aussi la scène d’affrontement entre Oliver et le léopard, où soudain ce dernier, ravageur auparavant, montre bien peu d’agressivité et se fait descendre insensiblement. Nastassja en tenue légère ou même sans tenue, vu comme elle est sans personnalité ici, ce n’est pas excitant pour un sou. Le gâchis du potentiel de cette histoire d’inceste congénital, d’inceste comme unique moyen de prolonger la race, fait soupirer; l’histoire d’amour niaise, héritée sûrement du film original, semble une excuse pour ne pas aller au fond de l’idée. N’y aide pas non plus la méthode de séduction de Paul: «Sauve-moi, toi seule peux stopper ce massacre; tu dois faire l’amour avec moi, comme un frère avec une soeur»; pour info: non, ça ne marche pas.

La difficulté de produire le bon effet par l’utilisation d’un vrai animal culmine avec la scène de l’autopsie, puisque, censée être mort, le «léopard» (en vérité un puma teint en noir, puisque les léopards ne se dressent pas) endormi respire et bouge les pattes, détruisant l’illusion. Combiné avec les autres éléments, l’échec du film est flagrant.

Les seuls véritables points forts du film sont la photographie et la musique. Les scènes d’introduction et du rêve sont magnifiques; d’autres scènes, notamment grâce à une lumière et une palette de couleurs maîtrisée, se révèlent d’un esthétisme contrastant avec la platitude du reste. De même, immédiatement après le rêve, la scène du footing installe une ambiance intéressante et doucement poétique (même si gâchée quelque peu par un effet de surprise cheap).
La musique eighties au synthétiseur, rappelant le score de Blade Runner, à la fois mystérieuse, mélancolique et onirique, se révèle être d’une grande beauté aussi, et accompagne parfaitement le film. Incidemment, Malcolm McDowell s’implique et les scènes avec lui surpassent les autres.

Dans l’ensemble, Cat People témoigne d’un effort décousu de broder autour l’histoire originale, mais manque son but par une partie horreur ratée et surtout une dilution trop importante des éléments subversifs et provocateurs par une romance ennuyante. La meilleure solution aurait été peut-être de ne pas remaker mais seulement s’inspirer de l’original pour faire son propre truc. À preuve, la scène de la vieille qui ferait partie du peuple des chats suggère une direction intéressante et en accord avec le titre mais n’est plus qu’un reliquat du film original, sans sens ici.

P.S. Quelqu’un m’explique comment une race d’INDIENS, en se reproduisant par l’inceste depuis la nuit des temps, aboutit à de parfaits Caucasiens?
Owen_Flawers
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le 7 févr. 2015

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Owen_Flawers

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