Il sera difficile de lever le bouclier contre les critiques qui qualifient de poseur ce faux thriller de Joann Sfar, parce qu’il est évident que le premier exercice de style que relève le bonhomme ici est avant tout formel. Inspiré par des cinéastes qui ont fait de leurs ambiances visuelles leur atout maître, comme De Palma et Lynch pour n'en citer que deux très fortement typés, l’apprenti cinéaste emballe son film d’une imagerie à tomber, sans cesse en quête de ce qui faisait le panache du cinéma bissard réussi des seventies. De la reconstitution d’époque qui sent bon la taule massive, les optiques protubérantes, les costards cintrés et les intérieurs pavés de mosaïques grandiloquentes à sa bande son suave, tout est pensé pour marquer les esprits au moyen d’une photographie ultra précise qui place l’objectif avec un coup d’œil certain.


Pour accompagner cette débauche d’énergie qui découpe la lumière pour en extraire des verts expressifs et des oranges mielleux, quoi de plus approprié qu’un thriller insouciant mené en dilettante par un cinéaste qui se fout bien de savoir si son mystère tient debout. A vrai dire, ce n’est pas le cas, quiconque souhaitera remonter le temps pour vérifier la crédibilité du dénouement final se rendra compte du côté bancal de l’entreprise. Et bien peu importe et à la porte les cartésiens, Sfar s’en contrefout, sa volonté n’est pas d’illustrer un crime parfait, mais de jouer avec sa pin-up aux allures de petite starlette ingénue, de la mettre dans le plus de situations improbables possibles, de la torturer dès qu’il le peut pour la propulser dans des terres qui ne sont pas les siennes.


Le résultat est d’une impressionnante tenue, envoûtant et si singulier dans le paysage cinématographique français que j’ai personnellement envie de le défendre, de ne lui tenir aucunement rigueur de son fond parfois cavalier pour n’en garder que le souvenir d’une réelle proposition personnelle, preuve que Sfar possède tout le potentiel pour devenir un réalisateur marquant. Il ne lui reste plus qu’à trouver le script solide qui lui permettra d’accoucher de son premier joyau, mais il m’a déjà plus que comblé avec cette dame au titre certes trop long qui possède toutefois les principales composantes caractérisant le bis rital qui a mes faveurs. De quoi attendre avec une certaine impatience son prochain bébé.

oso
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le 7 déc. 2015

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