Comment la Planète des Hommes est devenue la Planète des Singes (en version simplifiée) ?

Avant même d'avoir fait revivre la saga par le biais du voyage dans le passé de Zira et Cornelius, la Fox met en chantier un 4e film. L'intrigue de celui-ci prend place 20 ans après le précédent opus et se centre sur César, fils des 2 singes cités précédemment.

Vivant depuis sa naissance caché dans le cirque d'Armando, le chimpanzé ignore tout du monde " civilisé " dirigé par les Hommes. Sa découverte sera terrible pour lui et son protecteur, et lourde de conséquences.

De façon claire mais sans doute trop succincte et manquant tout de même un peu de détails, l'introduction nous explique comment la Terre est devenue ce qu'elle est. Un virus venu de l'espace a décimé chiens et chats (tout en épargnant les humains), poussant ces derniers à prendre des Singes comme animaux domestiques. Habiles dans de nombreuses tâches, les Singes ont rapidement vu leur relation aux humains se transformer, devenant très vite les esclaves de ces derniers.Traités avec de moins en moins de décence par leurs Maîtres et privés de leurs libertés les plus élémentaires, les Singes voient grandir leur désir de rébellion. L'arrivée d'un singe parlant et doté d'une intelligence supérieure en sera le déclic. Si le synopsis est alléchant, de plus amples explications auraient été appréciables. Comment ce virus est-il vraiment apparu ? Pourquoi a-t-il décimé chiens et chats mais épargné les êtres humains ? Comment en seulement quelques années les humains ont-ils pu devenir si cruels envers les singes ?

Inspiré par les émeutes de Watts de 1965 à Los Angeles, le film dresse une métaphore du combat des minorités ethniques (principalement les afro-americains) pour les droits civiques. Quand un groupe ethnique est victime de racisme et de violence, privé de ses libertés les plus fondamentales et souvent réduit à l'esclavage, il finit tôt ou tard par se rebeller, lui-aussi par la violence. Implanté dans l'univers de la science-fiction, le film réussit ainsi la prouesse de faire passer un message politique dans un contexte très sensible pour l'époque, en particulier dans les etats sudistes, où la ségrégation raciale perdurait encore à l'état naturel. Ce parallèle entre le combat des Singes du film et celui des afro-americains de l'Amérique des 60's pour les droits civiques est implicitement mis en lumière par le personnage de MacDonald, afro-americain bras droit du Gouverneur blanc Breck et allié inattendu de César.

L'inspiration par rapport au contexte de l'époque où est sorti le film se ressent également dans certains des personnages du film. Je pense bien sûr à celui cité quelques lignes plus haut, le Gouverneur Breck, qui à la manière du sénateur républicain Joseph McCarthy fait ficher les citoyens et dresser des listes noires d'indésirables.

Bien que non précisée, la mégapole inhumaine dans laquelle prend place l'intrigue correspond à une vision des plus sombres des grandes villes américaines, telles que New York ou Los Angeles. L'homme est de moins en moins humain, asservissant ici ses " animaux domestiques " pour s'éviter les travaux pénibles, les contrôles policiers sont omniprésents, la population est étroitement surveillée... Bref, on peut clairement parler de vision dystopique.

Malgré son budget dérisoire, qui se ressent dans l'absence de maquillage chez tous les figurants singes (lesquels ont dû se contenter de masques) et dans le caractère répétitif des décors, le film est vraiment percutant, que ce soit dans sa mise en scène, son ambiance, ses personnages et bien sûr son message.

Si la censure a fait retirer les séquences jugées trop violentes, cette violence est tout de même très explicite dans les scènes d'affrontement finales entre Hommes et Singes. Mais à tous ceux qui s'en sont offusqués, n'est-ce pas là le message du film ? Celui qui nous montre qu'une minorité opprimée et persécutée finira par réagir par la violence.

Le passage de la censure soulève également un grand débat sur le discours final de César. Dans sa première version, le personnage évoquait un anéantissement total de la race humaine. La censure passa par là, le discours devint une proclamation de la domination des Singes mais basée sur la compassion et la compréhension. Un final radical et violent aurait-il été plus percutant ? Pour ma part, je préfère la seconde version, celle où César, touché par la mise en garde de MacDonald, prône la mansuétude et met implicitement son espèce au défi d'une gouvernance juste, à l'opposé de celle des humains. Si cette fin est certes moins percutante, elle est source d'espoir et offre une grandeur encore non atteinte à César.

Si le long-métrage reste loin de l'œuvre originale de 1968, il dépasse néanmoins les 2 films précédents, prenant sans problème la seconde position dans la saga de l'époque.

Sir_Stifler
7
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le 28 nov. 2023

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Sir_Stifler

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