Il n'y a rien de plus soulageant que de se faire balader par un récit qui ose percuter son spectateur, dans le simple objectif de l'aiguiller jusqu'au prochain ressort narratif. Pourtant, c'est dans cette démarche que Martin Hawie et Laura Harwarth pêchent et ramassent inutilement des miettes à servir. Nous sommes loin d'une approche maîtrisée en matière de suspense, une fois avoir pris la température du microcosme de l'établissement de détention. On sépare distinctement les religions, formant ainsi des communautés, dont on devine rapidement le rapport de dominance. Et ce n'est pas l'étonnant nouveau venu qui viendra davantage perturber le système établi et plus puissant que lui.


Que voit-on en regardant cet homme, arrivé là avec des intentions simples ? Sa fragilité se lit autant sur son visage que sur la proie qu'il observe avec mépris. Pourtant, il n'y a rien de vraiment malhonnête dans sa démarche et sa naïveté le trahit un bon moment, avant qu'il se persuade du potentiel qu'il a, une fois qu'il peut disposer de sa cellule. Il est loin d'être à la hauteur des alphas à la tête de la prison, mais son impertinence et son intrusion en territoire hostile a tout pour satisfaire les enjeux de la violence et de la vengeance. Un homme seul, désarmé face aux lois de la haine, est régie par les pulsions d’un trafic de stupéfiants, ouvertement exposé et loin d’être muselé. En parallèle, des geôliers doivent contenir la violence et feindre de leur propre autorité. La dissonance est perceptible jusque dans les précédentes œuvres que le duo de cinéaste a construites dans « Camille » et « Toro ».


Nous aurons droit aux mêmes protagonistes, mutilés par leur propre remord et leur propre faiblesse, face au monde extérieur. Cette prison pourrait alors devenir un refuge ou un rebond pour le second souffle qui les attendrait à la sortie. Le commentaire est assez maigre, mais plaisant à analyser, sachant que la présence de la gardienne de nuit (Katharina Schüttler) fait office d'intermédiaire entre Frank (Lucas Gregorowicz) et Fuad (Denis Moschitto), qui partagent étroitement un deuil, et tous les trois une profonde solitude. Cette dernière porte également un fardeau, celui de la sensibilité, qui l’a condamné à la même sentence, celle d’errer entre ces murs crasseux, où l’on ne peut épargner un soupçon de tendresse. Ceux qui s’entêtent à l’enrichir finissent hors-jeu, à l’image du directeur de l’établissement, qui ne parvient à tenir en laisse que son propre chien, au détriment des taulards qui ont la corruption comme langage maternel.


« Future is a lonely place » (Die Zukunft ist ein einsamer Ort) n’est donc pas un témoignage de laxisme, mais plutôt une grande citation sur la transmission de la violence, au-delà même du triage juridique et encore plus loin que les barreaux, qui ne semblent pas résister bien longtemps à la mentalité des repentis. Elle se révèle souvent maladroite et manque d’émouvoir ou encore de provoquer, même lorsqu’il s’agirait de croire à un semblant de solidarité. Le collectif n’est qu’une utopie et il n’y aura que des tombeaux séparés pour ceux qui sont marginalisés. Tous recherchent cette liberté qui les réchaufferait, mais à l’arrivée, il est bien possible que le lever du soleil les ramènerait à une réalité, qui les a longtemps égarés et que toute tentative de fuite est vaine, artificielle et sans appel.

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le 11 avr. 2022

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