Après avoir exploré plusieurs aspects de la mise en scène, direction d'acteurs, utilisation de la musique, direction artistique essentiellement, et donnant de superbes chefs-d'œuvre, Wes Anderson a peu-à-peu choisi de n'insister que sur cette dernière. On peut parler de maniérisme, ce qui ne serait pas dérangeant s'il n'était systématique. Oui, Wes Anderson est un auteur, dans le sens ou sa patte se reconnaît au premier coup d'œil. Ce n'est pas une raison pour que tous les plans soient si semblables. Le plan frontal, symétrique est certes sa marque, mais c'est devenu le seul plan du film.
De nombreuses références (un peu obligatoires comme la vague de Hokusai) picturales très réussies et de toute beauté sont omniprésentes. Mais au niveau du langage cinématographique, c'est monocorde. D'ailleurs, nombreuses sont les scènes où les voix de comédiens sont monocordes aussi. Rigolo une fois, deux fois, pas trente-huit.
Wes ne veut plus laisser son film approprier par un Bill Murray, qui ajouterait sa personnalité à son univers. Il ne veut plus qu'on aille écouter les musiques qu'on y aimerait. Donc ici, une seule musique d'Alexandre Desplats. Monocorde aussi. Linéaire, du moins. Tout est rangé en lignes droites.
Dans des films Pixar, dont l'humour est très millimétré, il y a une volonté de feindre la perte de contrôle qui donne une spontanéité aux personnages. C'est ça qui est perdu ici, volontairement semble-t-il.
L'histoire aussi est séparée en chapitre constituant les étapes basiques d'un récit. Ce monsieur pense au carré et ne souhaite plus ajouter de talent au sien, si ce n'est la ribambelle de stars qui prêtent leurs voix, mais en animation, que ça ne vole pas la vedette au personnage.
Le côté "politique" du film, souvent salué, est assez basique. Il est intéressant pour des enfants, mais ne confondons pas fake news et propagande. Cette stratégie de communication de l'état totalitaire n'ets pas nouvelle, c'est celle déjà décrite dans 1984, reprise dans Brazil(T.Gilliam, 1985); on peut penser à Soleil Vert(R;Fleischer,1973) dans le même ordre d'idées et à de nombreuses (bonnes) séries B de science-fiction. C'est un poncif de la dystopie.
Elle a tout pour faire un bon film, cette histoire, cependant, mais cette maîtrise absolue, ce principe unique de mise-en-scène, ce rythme des gags à chaque fois identique (la petite conclusion humoristique à la fin du plan, la petite seconde d'attente avant la chute...), cette mécanique de quadrillage de tous les aspects du film selon le même principe, aplatit la narration. Wes Anderson prenait déjà cette pente dans Grand Budapest Hotel. Ici c'est clair, il ne s'occupe plus que de direction artistique, au dépens de son propos, de sa narration et de notre plaisir.
Sauf bien sûr quelques moments où la perfection est là. Ne soyons pas de mauvaise foi, on a jubilé un peu.
Il y a eu dans l'Histoire une véritable île aux chiens, au large d'Istanbul dans les années 1910 dont l'histoire a été très joliment racontée par Serge Avédikian dans son superbe court-métrage animé, Palme d'Or d'ailleurs, en 2010. A l'esthétique très léchée aussi.
M'étonnerait pas que Wes l'ait regardé.