On pourrait parler pendant des heures durant de la beauté du moindre plan de ce film, de la grâce qui accompagne chaque mouvement de caméra et qui semble typique du cinéma russe de l'époque, de cette science du cadrage impressionnante pour un premier long métrage, des décors parfaitement exploités...
Au fond, ce que j'ai trouvé hallucinant, c'est que ce film nous parle du front de la guerre, et qu'à l'exception d'un plan, l'ennemi n'est jamais explicitement montré à l'écran. Et pourtant il est toujours présent, jamais bien loin. L'Enfance d'Ivan est, entre autres, une formidable démonstration du pouvoir du hors-champ, et décrit parfaitement le danger permanent que les protagonistes affrontent simplement en le suggérant : l'ennemi, ce sont les bruits de tirs irréguliers, les fusées de reconnaissance qui voltigent, les obus qui pleuvent parfois, mais c'est aussi ce silence oppressant.
Ce pouvoir de suggestion n'est d'ailleurs pas propre à la représentation de l'ennemi seulement, mais il est distillé tout au long du film à travers l'histoire des différents protagonistes, des lieux visités, et jusque dans la conclusion qui laisse une certaine marge d'imagination au spectateur. La dénonciation d'un conflit, lorsqu'elle passe par l'implicite, n'en devient finalement que plus puissante et surtout moins larmoyante.