Assez coriace à avaler, le film est monté à la sauvage, passant du réel au rêve, du passé au présent, d'un lieu à un autre à une vitesse éclair et sur de très brefs instants. Un peu difficile comme lecture, mais dès lors qu'on s'y est habitué, on peut retrouver son chemin.

C'est surtout que ça part dans tous les sens, ça crie énormément, ça gesticule, ça explose de tout côté. La vie du héros joué par Kirk Douglas est à ce point compressée par le mensonge que le bonhomme s'est perdu en route et il lui a fallu dépasser la quarantaine pour que cette forfaiture lui devienne insupportable. Il pète un câble. Il casse tout en tentant de se suicider. Peu à peu, il essaie de s'accrocher à des riens, jusqu'à comprendre qu'il n'aspire qu'à ça : rien, rien faire, juste être.

Forcément, ce bouleversement ennuie tout le monde. Et je ne suis pas loin d'en faire partie. Ma douce et tendre Jack Sullivan a jeté l'éponge à trois quarts d'heure de la fin. J'ai persévéré. Je voulais savoir jusqu'où cela irait.

Maintenant que je sais, ma foi, je me dis que le trajet du personnage de Douglas n'est pas bien original, mais il obéit à une logique tout à fait compréhensible. J'ai donc suivi cette histoire poliment, sans en retirer de plaisir mais sans non plus ressentir un vif rejet.

J'ai un profond respect pour Kirk Douglas et je voulais aller au bout au moins pour le voir faire. Je voulais voir où Kazan avait l'intention de nous mener. Sans doute que je ne connais pas assez le bonhomme pour comprendre le lien autobiographique que je subodore néanmoins dans ce film.

Je suis forcément un peu déçu par tout ce beau monde. Kirk Douglas ne fait pas d'étincelles. J'ai trouvé Deborah Kerr un peu en retrait. Son rôle est ingrat, sans attrait. Faye Dunaway l'est tout autant.

Dans le même ordre d'idées cette histoire de crise identitaire et bouleversante d'un quadra a été beaucoup mieux exploitée par un Blake Edwards. On voit bien qu'Elia Kazan essaie d'alléger son propos en y incluant de l'humour, notamment avec ce montage très nerveux. Mais ça tombe toujours à plat alors que chez Edwards le grotesque et la folie de ses films les classent à part et leur donnent une certaine force. Ici l'humour de Kazan est toujours à côté de la plaque. N'est pas Edwards qui veut. Tout comme n'est pas Kazan qui veut. J'ai l'impression que Kazan se trompe parfois de chemin sur ce film.
Alligator
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le 25 sept. 2013

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