Premier film de Bertrand Bonello que je vois, Apollonide, souvenirs de la maison close, présente la vie comme son nom l'indique, d'un bordel à l'aube du XXème siècle.
Pour information, depuis 1946, , la loi Marthe-Richard a aboli les maisons closes en France.
Toutefois le débat sur la prostitution est revenu peu à peu dans l'espace public, par le biais de forums de discussions, de films, de livres, etc.


Dans ce long film de 2H00, Bertrand Bonello présente les facettes de l'existence des prostituées de cette époque: à la fois classes lors de la présentation qu'elles font, mais le côté glauque et sombre lorsque les fantasmes des hommes, parfois vraiment étranges comme une scène où une des filles joue à la poupée immobile, partage le récit entrecoupé de scènes de flashback sur un drame qui s'est passé dans la maison.


Sensuel, le film l'est. Il y a une ambiance moite extrêmement réussie, grâce entre autres aux éclairages sobrement maîtrisés et grâce aussi aux gros plans sur les filles.
Car le film montre surtout le point de vue collectif d'une maison close, et ne suit pas le point de vue d'une fille parmi d'autres filles.
Ce fractionnement ainsi fait, avance les différentes humeurs des prostituées, qui y naviguent à vue.


Certaines sont tout le temps joyeuses, d'autres font ce métier purement par curiosité, comme la jeune qui y apparaît; d'autres sont là depuis des années et le font pour le faire. D'autres enfin, ressent malgré elles, de l'amour pour certains clients réguliers. Il y a autant de diversités de femmes dans ce tableau de maison close que de récits avancés.


Les scènes de sexe ne sont de loin pas prudes. Attention, ce n'est pas du voyeurisme malsain ou pornographique qui y apparaît. C'est plus un portrait sensuel, sexuel, qui provoque les sens du spectateur et l'excite terriblement. L'effet est réussi en tout cas. De par le lent récit et les lenteurs voulues du scénario et des plans, l'effet provoqué d'un long orgasme qui s'étire pendant 2H00 est vraiment frappant. On en ressort complètement émoustillé du film.
Car il est facile de montrer des seins, des sexes sans pudeur. Ici, c'est un filtre de sexualité qui transpire à l'écran, qui excite la libido et qui attise les sens Bertrand Bonello a réussi à provoquer. Et c'est sans doute un des films qui jouent le plus dans cet équilibre difficile à atteindre entre l'art charnel et la provocation des corps à l'écran totalement gratuite. Si vous pensez comme moi à tous les films pseudo arty pornographiques de ces derniers qui sont sortis, vous avez gagné.
Le film de Bertrand Bonello s'approchant plus d'un Empire des Sens de Nagisa Oshima que d'un Baise-moi de Virginie Despentes.


Toutefois comme dit plus haut, il n'y a pas que de la beauté dans ces maisons closes. Et la lumière du jour, donne elle, comme un contrepoint frappant au quotidien souvent rythmé par l'ennui, marqué par une impossibilité de sortir de la maison hormis avec un client, pour éviter le racolage.
Les filles étant complètement cloisonnées, leur vie se résumant au bordel, au bordel et au sommeil.


La scène du contrôle médical pour vérifier si elles n'ont aucun souci, est d'ailleurs à ce juste titre, vraiment très forte en sens: elles ne sont que des corps humains dédiés au sexe, au plaisir des hommes:
"Simule, parle-leur de leur pénis" comme les filles disent à la nouvelle. Fais-leur sentir qu'ils sont les rois.


Quant à la musique elle, hors contexte par rapport à l'époque, elle trouve un terroir absolument sublime. Bad girl de Lee Moses résumant à merveille le film.


Catin, putain, prostituée, pute, tous les adjectifs pour résumer le plus vieux "métier du monde" ne suffisent pas. Est-ce un métier respectable, est-ce un métier de putain de putain de putain de merde comme dit dans le film?
La question reste posée.
La libido de l'homme, ainsi que celle de la femme avait un endroit pour s'exprimer. Ces maisons closes ne se sont-t-elles pas déplacées ailleurs, dans la rue de nos jours?
Vaste débat...


Le cinéma français vient d'accoucher d'une merveille.
Sublime.



9/10


Trailer: http://youtu.be/rztFrEkU4qA
Aeneman
9
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le 30 sept. 2011

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