En ces temps incertains, je me suis dit qu'il pouvait être bon de décrocher un peu, le temps d'une bafouille du moins, de l'actualité particulièrement anxiogène et d'écrire sur quelque chose de plus léger qui fait du bien. C'est pourquoi je me suis dirigé vers le cinéma de 周星驰 (Stephen Chow), un des représentants les plus connus du 冇厘头 (Mou lei tau en Cantonnais, Mǎo lí tóu en Mandarin, pour la prononciation, qui veut littéralement dire enfin à peu près « ça n'a pas de sens »), une sorte d'humour absurde et excessif typiquement développé dans le cinéma de Hong-Kong. Pour le décrire simplement c'est du grand n'importe quoi. Autrement dit pile ce que je recherchais. Si je suis plutôt client de ce monsieur et de son humour dans la majorité des cas, à mon avis trois de ses films se positionnent clairement au dessus de la mêlée. Parmi eux 喜剧之王 (King of Comedy) qu'il réalise épaulé par 李力持 (Lee Lik-Chi) est probablement le film le plus sérieux de toute la carrière de Stephen Chow -enfin... d'une certaine manière, comme dit je voulais parler de quelque chose de relativement léger tout de même.


Stephen Chow qui joue aussi le personnage principal, développe dans ce film, fidèle à lui-même, un personnage ordinaire, évoluant dans un milieu assez modeste. Maladroit, attachant par ses passions et ses grands rêves mais allant de galères en galères, un peu (et même totalement) décalé par rapport au réel qu'il décrit, trop terne pour lui, menant à l'absurde composant l'humour de ses films. Un personnage également attachant par sa naïveté et son refus de cynisme qui le mène à s'embarquer dans des histoires abracadabrantesque dans son milieu, dans l'espoir un peu fou de prouver à la face du monde qu'il a de vraies capacités d'acteur et ainsi, toucher du doigt le milieu dont il rêve. L'une de ces histoires mène à cette romance au fil du film avec 张柏芝 (Cecilia Cheung). En plus d'avoir un charme et un petit accent qui ne peut laisser indifférent, elle interprète de façon particulièrement touchante son personnage. C'est d'autant plus appréciable que c'est son premier rôle au cinéma. Personnellement leur relation à un petit quelque chose qui me parle au point que je laisse -je l'avoue- totalement passer de petites facilitées mélodramatiques.


« Persévère, tiens bon ! »


Ce qui me touche aussi particulièrement dans King of Comedy c'est cet amour débordant du cinéma de Hong-Kong et des ses acteurs (dans tout les sens du terme), car cela tombe bien, c'est un cinéma qui me passionne et me tient à cœur. Stephen Chow fait preuve de beaucoup de bienveillance pour les « petites mains » de cette industrie cinématographique notamment par le biais du personnage principal et ses rêves qui détonnent d'autant plus avec la réalité douce-amère décrite dans le film. En effet derrière la mise en scène d'une comédie absurde et excessive, la caméra de Stephen Chow décrit le caractère tragique de personnes précaires, devant se battre pour une simple boite de repas dans une industrie sans règles, qui ne fera aucun cadeau. A ce titre King of Comedy est une œuvre assez personnelle pour Stephen Chow qui vient d'un milieu modeste et qui comme beaucoup d'acteurs, cascadeurs ou réalisateurs dans cette industrie impitoyable a du se battre pour se faire un nom. Cela dit le but n'est clairement pas non plus de faire un film misérabiliste ou tire-larme -rappelle toi je voulais parler de quelque chose de léger à la base. Cela reste le regard d'un amoureux de la folie qui résulte de cette industrie. En témoigne ses références aux films de Kung-Fu (avec cette version théâtrale fauchée hilarante de 精武門 (La Fureur de vaincre)), aux 武侠片 (Wu xia pian) mais aussi ce caméo improbable de 陈港生 (Jackie Chan) et bien sûr ce merveilleux pastiche de 吴宇森 (John Woo) distillé tout au long du film avec les faces à faces, les giclées de violences, les prêtres et les pigeons.
C'est le regard d'un acteur passionné par son métier, un regard particulièrement sincère.


On pourrait reprocher à King of Comedy son gros placement de produit de fin. Cependant cela donne même dans la fin un caractère doux-amère. En effet derrière le gag de ce placement de produit totalement excessif, il y a la réalité de ce personnage principal qui pour avoir pu être connu, diriger les œuvres qu'il voulait adapter à sa manière et avoir eu l'appui de stars qui lui amèneront un public, a du littéralement se vendre dans une publicité grossière.


Ma bafouille n'est pas très fouillée je l'avoue. Cependant en ces temps de pandémie, de catastrophes en tout genre, de fantasmes conspirationnistes, de bureaucraties à la dérive mais aussi et surtout de personnes séparés qui craquent, c'est un film particulièrement agréable pour remonter le moral, aux acteurs attachants, rendant hommage à tout un pan du cinéma qui en vaut la peine. Ainsi si toi aussi tu as besoin d'un grand bol d'air frais, n'hésite pas à voir ou revoir ce film.

Noe_G

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