D’une première moitié totalement absconse émergent quelques rares éléments voués à l’esquisse d’une histoire : un père irresponsable, un enfant disparu, un oncle médecin qui part à sa recherche. Le cinéaste crée un univers par petites touches, au carrefour entre réalisme et étrangeté, baignant dans une confusion qui ne craint pas de laisser son spectateur en travers de la route. Parfois, un élément accroche l’attention et stimule l’imaginaire, telle cette histoire énigmatique (surnaturelle ?) relatée à la radio comme un banal fait divers. Kaili Blues se déploie ainsi, tel un sinueux chemin de montagne fondu dans le brouillard, à mi-chemin entre film rêveur et film rêvé, au rythme lancinant des lieux traversés et des poèmes récités en voix-off. Si chaque plan regorge d’idées de cinéma, le tout manque cependant d’unité, et, surtout, de réelles visions poétiques.


Survient alors un plan-séquence d’une quarantaine de minutes, amené à faire parler de lui, et qui suscite une fascination absente du reste du film. Est-ce à dire que c’est la performance technique qui fait la différence ? Pas si sûr. Au final, ce n’est pas tant la virtuosité du plan en soi, que son travail de la continuité qui émeut : ce plan unique se vit comme un flux mystérieux, impalpable et secret, où différentes strates temporelles paraissent se télescoper, en coïncidence avec l’exploration rigoureuse d’un lieu au fil des déplacements effectués par les personnages. Des corps qui évoluent dans un espace délimité et rendu intime car sillonné de toutes parts : la proposition est aussi minimaliste que merveilleuse, et Kaili Blues y trouve son acmé en même temps que son nécessaire point d’équilibre. Pour le reste, le premier film de Bi Gan est une expérience intrigante, vécue avec détachement, sans plus d’intérêt que d’indifférence, dans un état aux confins de la léthargie, et dont on ne conserve qu’un souvenir brumeux.

CableHogue
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le 22 févr. 2016

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