
Partagé entre l’envie d’imiter les lucratives fusions d’univers de Marvel et l’idée de capitaliser encore sur la noirceur de son propre monde, le studio DC est décidément dans une impasse complète. "Justice League" illustre parfaitement le fait que Nolan a sans doute été la meilleure et la pire chose à leur arriver. Meilleure, parce que "The Dark Knight" demeure la plus intéressante proposition dans le cinéma de super-héros du 21e siècle. Pire, parce que cet héritage a une puissance gravitationnelle trop importante pour permettre au studio de se renouveler.
La noirceur du monde est sans cesse ressassée (DC est conscient qu’il s’agit là de son avantage sur l’univers chromatique sur-saturé et trop lisse de Marvel) mais l’histoire est totalement déshumanisée : les super-héros s’apparentent à des dieux (tous deviennent des variations plus ou moins performantes de Superman) et affrontent un ennemi venu d’une autre planète. Résultat : ces combats ne nous effleurent à aucun moment et nous regardons, indifférents, se battre des entités auprès desquelles nous ne nous identifions à aucun moment.
L’efficacité du film de Nolan reposait à la fois sur le miroitement entre le Joker et la société dont il est le produit (voir la scène avec les deux paquebots condamnés à s’entretuer) et sur l’insuffisance de la figure super-héroïque dont la difficile identification est à la fois la force et la faiblesse (impossibilité d’incarner l’espoir aussi bien qu’un humain). DC a décidé contre toute logique d’aseptiser au maximum son univers et traîne maintenant comme un boulet cet héritage qui a fait la force de ces précédents films. Quel gâchis…