Il faut avouer que si elle est pleine d’imperfections, cette « Justice League » n’en demeure pas moins un film tout à fait correct et divertissant, loin de la purge annoncée un peu partout. Cela vient certainement du fait de sa gestation compliquée, entre le départ de Zack Snyder, l’arrivée de Joss Whedon (papa des « Avengers » !) et la pression des producteurs. Néanmoins, s’il manque une véritable vision d’auteur (qu’avait pourtant « Batman V Superman » qui clochait lui sur d’autres aspects) et une cohérence à cette réunion de super-héros, ce n’est pas du tout un nanar ou une expérience pénible. Mais, clairement, ce film enfonce le clou et nous fait dresser un constat sans équivoque: à vouloir concurrencer la perfection de l’univers Marvel dans sa pertinence d’ensemble, Warner a voulu faire trop vite et s’est vautré en prenant trop de directions différentes. Pour une « Wonder Woman » potable, on a eu droit quand même à la pire déception de l’an passé avec l’horrible « Suicide Squad »! Plutôt que de garder cette tonalité sombre, les décideurs ont voulu adoucir les films avec un humour bas de plafond (pauvre Flash ici) et installer des personnages trop vite et en dépit du bon sens.
En effet, le problème majeur de « Justice League » est son scénario et sa date de sortie bien trop précoce alors que l’univers DC Comics n’est en est qu’à ses balbutiements sur grand écran. Pourtant aussi riche - voire plus - que celui de Marvel, avec plein de personnages fantastiques, leur présentation est bâclée et bien trop brève comme dans « Suicide Squad ». Pourquoi Diable introduire trois nouveaux personnages d’un coup au lieu de leur donner d’abord leurs films solos. Déjà de rajouter un protagoniste principal n’est pas une mince affaire, alors trois! La dynamique du film en pâtit et les relations entre les membres de cette équipe semble donc tenir sur peu de chose et manquent de profondeur. On a tout de même envie d’en savoir plus en espérant que leurs aventures en solitaire soit plus précises et justes comme avec « Wonder Woman ». N’empêche, cette univers DC semble partir sur de bien mauvaises fondations après cinq films et il sera compliqué de rectifier le tir après cette réunion qui ressemble plus à une grosse introduction qu’à un bouquet final. Mais peut-être étais-ce le but ? Que sans les problèmes de production cités plus haut, le film n’aurait pas été du même acabit. Dans tous les cas, le scénario est d’une banalité confondante et se résume à un affrontement entre le Bien et le Mal sans beaucoup plus d’aspérités, le film est court et a dû être fort raboté au montage, ce qui nuit à la psychologie des super-héros et à ce qui ferait la valeur ajoutée de l’univers décrit ici.
Mais il y a du bon aussi. Le film passe à une vitesse folle et si la toute fin verse encore dans l’excès d’effets spéciaux, la bouillie numérique de « Batman V Superman » ou « Suicide Squad » est évitée dans le combat final. Et il est moins interminable. En revanche, il faudrait peut-être que le budget figurants soit plus conséquent car on a l’impression que tout ce petit monde interagit sur une planète complètement vide. Ensuite, saluons encore une fois la prestance de Gal Gadot en Wonder Woman et l’arrivée de Jason Momoa en Aquaman, qui ne manque pas de charisme. On est plus réservé pour Cyborg qui reste cependant un personnage moins connu mais intéressant. C’est pour Flash que ça cloche, réduit à un trauma familial bâclé et des répliques pas drôles du tout. On a l’impression que « Justice League » a perdu ses aspérités et sa personnalité au montage et à la production. Il est devenu ainsi un produit interchangeable comme fait par un honnête mais anonyme tâcheron d’Hollywood dans un monde où les blockbusters de super-héros finissent par trop se ressembler. Les meubles sont pourtant relativement sauvés et il remplit son contrat de distraire. Espérons désormais que le tir soit définitivement rectifié avec la suite (« Aquaman », « Suicide Squad 2 », « Wonder Woman 2 », …) et qu’une vision d’ensemble claire vienne corriger les aléas d’un univers connecté pensé parfois n’importe comment.