Il fut un temps où la simple évocation d'une adaptation de Justice League m'aurait fait frémir. Pourtant c'est avec une indifférence presque cynique que j'ai payé ma place de cinéma. Présence d'esprit ou lassitude, j'ai tout de même eu le bon sens de fuir comme la peste le surplus de bande annonces et de teasers intempestifs proliférant sur Youtube, histoire de ne pas être totalement spoilé sur le cheminement de l'intrigue comme ce fut le cas avec BVS. Précaution qui s'est finalement avéré bien inutile, tant ce film ne surprend guère et tant le déroulé et les péripéties se révèlent prévisibles.


Dc cherche toujours ses marques dans l'élaboration de son univers étendu et cela se ressent. Après avoir accouché d'un Man of Steel et d'un BVS prétentieux, d'un Suicid Squad faussement subversif et d'un Wonder Woman faussement féministe et niais, Le DCU se devait avec Justice League de redresser la barre et de consolider ses bases. A la décharge du film, Justice League a le mérite d'assumer pleinement son statut de film pop corn, évitant ainsi de tomber dans les mêmes travers prétentieux que ses prédécesseurs. Il évite également de trop tirer sur la corde et de placer multiple références intempestives. Dixit le rêve cauchemardesque de Batman et le caméo de Flash provenant du futur (scènes qui n'ont d'ailleurs ni incidence, ni continuité dans cette suite), le film se limite à son intrigue et son intrigue seulement, bien qu'il ouvre la voie à de nouvelles bases. En somme, ce nouveau volet du DCU donne moins l'impression de crouler sous un cahier de charge et assume pleinement son registre. D'aucun pourrait affirmer que Justice League est ce que le studio a vendu, un simple blockbuster divertissant, décision qui a sans doute déplu aux fans acharnés de DC qui espéraient un univers cinématographique plus mature et sombre que Marvel (ce qui n'était finalement de tout façon pas le cas dès le départ).


Justice League aurait pu passer, s'il était sorti 10 ans plus tôt car après près de 17 ans d'adaptation superhéroique en tout genre, force est de constater que Justice League n'apporte absolument rien de neuf, ne prend aucun risque et se révèle absolument convenu tant sur le fond que sur la forme. L'une de mes craintes demeuraient dans le fait que le film ne devienne ni plus, ni moins que la version "avengers" de DC. L'autre était le risque que le film se voit hacher par les studios comme l'ont été Suicid Squad et BVS. La reprise en main de Whedon après la tragédie familiale de Snyder laissait planer la crainte que deux visions contraires s'opposeraient tout au long du film, lui donnant un fond schizophrénique. A bien des égards, cette dualité s'exprime entre la volonté de Snyder de produire un film plus mature, entrecoupé de ses sempiternels ralenti et zoom/dézoom et la touche plus personnel de Whedon se focalisant plus sur la camaraderie des personnages et la débauche de couleur. Si cette dualité présente quelques avantages (après tout dans son immense bonté Whedon nous a épargné le supplice Lex Luthor/Eisenberg), les deux visions des réalisateurs se marient parfois très mal, notamment dans le cadre du combat final qui n'est finalement ni dramatique, ni réellement comique, ni spectaculaire, ni jouissif


Le plus gros problème du film demeure toutefois son aspect horriblement convenu. A trop vouloir s'inspirer de la concurrence, DC/Warner nous a finalement servi un film digne des pires travers du MCU tant la recette utilisée est périmée. Justice League ne surprend jamais vraiment car il n'essaye même pas. Tel un mauvais élève, le film se contente d'enchaîner les scènes avec une absence de rythme fascinante avec la présomption que la magie prendra car le public y a déjà adhéré auparavant. Malheureusement les réalisateurs ne prennent pas la peine d'y insuffler une âme, ou une quelconque volonté d'innover. En résulte un film plat, déjà vu mille fois. Vous avez déjà vu le premier Avengers ? En somme, vous avez déjà vu ce film.


Ne soyons tout de même pas mauvaise langue, il n'existe pas 36 moyens d'introduire une équipe de héros unis contre une menace surpuissante. C'est cependant là que le film aurait pu surprendre, en amenant une autre approche que celle d'Avengers. Au contraire, Justice League se contentera d'appliquer à la scène près, un modèle usé jusqu'à l'os :



  • Petite scène d'exposition pour introduire la menace.

  • Deux, trois petites scènes pour rappeler ce qui s'est produit lors des précédents films vous donnant ainsi l'illusion que les pistes laissées en suspens vont véritablement être travaillées.

  • 3-4 minutes accordées à chaque personnage central en guise de background.

  • Le méchant arrive en bonne et due forme, tue quelques randoms pour rappeler aux spectateurs qu'il est méchant, expose brièvement sa motivation et son but, qui ne seront absolument pas développés par la suite, puis ne parvient tout de même pas à obtenir ce qu'il voulait.

  • Le leader de l'équipe tente d'unifier l'équipe mais bien entendu certains sont réticents, d'autres préfèrent se la jouer solo.

  • Le méchant fait à nouveaux parler de lui incitant ainsi les réticents à rejoindre l'équipe vers la première moitié du film.

  • Le premier affrontement entre l'équipe et le méchant se passe mal. Ce qui amène des tensions et des disputes au sein de l'équipe.

  • Plusieurs héros se foutent sur la gueule, histoire d'introduire un petit combat fan service qui ne fera aucun blessé et n'aura aucune conséquence.

  • Le méchant en profite pour récupérer ce qu'il cherchait.

  • Déprime générale, jusqu'à ce que des personnages secondaires viennent délivrer un discours moralisateur dégoulinant de pathos.

  • Les héros qui se sont disputés se réconcilient avec une petite touche d'humour à la clé.

  • Le méchant qui a acquis son nouveau jouet fait des étincelles, amenant l'équipe à tous le rejoindre pour lui casser la figure.

  • Bataille finale: vague de CGI, travail d'équipe, petites blagues de ci de là, un truc qu'il faut absolument désamorcer avant qu'il ne soit trop tard, quelques civils paumés qu'il faut absolument sauver, vague de minions à détruire (avec le sentiment constant que jamais les héros ne sont véritablement en danger).

  • Le méchant est vaincu, les héros ont appris une leçon, petites blagues, scène post générique ciao.


C'est donc avec un ennui non dissimulé que le spectateur se voit offrir un enième blockbuster calibré. L'ensemble pourrait cependant passer si la mise en scène et la réalisation suivaient malheureusement le film ne parvient pas à délivrer une quelconque tension. Le monde extérieur est ainsi dire inexistant. Beaucoup de personnages secondaires font leurs apparitions sans jamais que leurs intérêt soient réellement justifiés. Certains lorgnent carrément vers le caméo (coucou Mira). Si la scène d'ouverture au ralenti, soutenue par la everybody knows parvenait effectivement à instaurer un sentiment de deuil et de crainte quand à la mort de Superman, cet aspect est bien vite négligé tant le monde extérieur est inexistant. La résurrection et le retour de Superman se fait dans l'indifférence la plus totale, de même que l'introduction de la Justice League. Le film ne s'embête même pas à expliquer comment Clarke Kent peut revenir à la vie civile après avoir été déclaré mort. Jamais la menace incarnée par l'antagoniste ne semble réellement touché le monde, les victimes potentielles se résumant à une petite famille paumée.


Si le film parvient à octroyer une véritable personnalité à Superman, Batman et Wonder Woman, travaillant par la même occasion leur relation (un énorme pas en avant depuis BVS qui mérite d'être souligné), il loupe totalement le coche avec les 3 autres compères. N'ayant pas été introduit en profondeur dans les précédents films, Flash, Aquaman et Cyborg voient leurs backgrounds expédiés en deux bonnes minutes. En plus de bénéficier de motivation à peine effleurée, voir inexistante dans le cas de Flash, leurs intégration au sein de l'équipe se révèlent forcées et expéditives. La moitié des 6 protagonistes ne semblent même pas savoir ce qu'ils font vraiment là . Flash et Superman se livrant à une course amicale aurait peut être pu fonctionner si ces derniers avaient échanger plus que deux lignes de dialogues dans le dernier tiers du film.


Cyborg, en dépit de la bonne prestation de son acteur, se voit déservit par son costume en CGI hideux ayant en plus 5 ans de retard. Toute la dimension tragique du personnage n'est qu'à peine effleurée du doigt pour être finalement totalement délaissée par la suite


La soi disant perte de contrôle de son corps cybernétique n'arrive d'ailleurs que pour justifier un affrontement contre Superman. Il n'éprouvera plus jamais ce problème par la suite.


Flash se voit doté du même rôle que Spiderman dans Civil War, faire office de boute en train inexpérimenté, désamorçant chaque scène de tension par une petite blague et s'extasiant devant tout et n'importe quoi. J'étais septique quand à la prestation d'Ezra Miller, peut être à tord car au final la faute incombe surtout à la pauvreté d'écriture de son personnage. Aquaman semble plus être là pour son physique qu'autre chose, se contentant d'être une espèce de sous Thor. La palme revient cependant à l'antagoniste Steppenwolf. Doté d'une animation en CGI absolument hideuse, d'une absence profonde de personnalité et n'étant à aucun moment une menace réellement crédible, ce dernier disparaît dans l'indifférence la plus totale. D'ailleurs, c'est bien beau de faire des références à Darkseid et Apokolips mais si c'est simplement pour les balancer à l'arrache de ci de là, sans rien en faire, ce n'est pas la peine.


La bataille finale, tout sauf jouissive, n'engendre aucune émotion étant noyé sous une avalanche de CGI déguelasses. La tension en elle même est désamorcé par la simple présence de Superman humiliant non seulement le méchant mais également ses partenaires. Dur de ne pas sortir avec l'idée que Superman aurait finalement pu tout faire tout seul en 5 minutes, bien que pour les besoins du scénario il se devait d'apparaître à la dernière minute.


Raison toute gardée, tout ceux qui espéraient autre chose qu'un Marvel Like sont priés de passer leur chemin. Ce triste constat souligne d'ailleurs l'ineptie des fanbases. Marvel comme DC, désormais c'est le même combat ! A la différence prêt que l'une des firmes parvient à mieux vendre ses navets que l'autre.

The-Goblin
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le 16 nov. 2017

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