L'Indiana Jones 4 de la franchise Jurassic Park, l'antithèse de Tomorrowland

Treize ans que cette suite devait voir le jour, passant par une production désastreuse qui n’a jamais cessé d’être repoussée ou partiellement annulée. Mais 2015 se présente comme la fin de l’attente : le quatrième opus de la saga Jurassic Park débarque enfin dans les salles ! Et si le mauvais souvenir d’un troisième film réside encore dans la tête des spectateurs, ce Jurassic World a de quoi faire pour être un divertissement sachant apporter de la fraîcheur à une mythique franchise cinématographique : un divertissement explosif délivrant tout un lot de nouveautés (dinosaure créé de toute pièce, dressage de Raptors…) tout en gardant les thématiques propres à la saga (les manipulations génétiques, le fait que l’Homme cherche constamment à dompter une Nature pourtant incontrôlable). Mais c’est surtout cette vision du parc enfin ouvert au public qui avait de quoi ameuter tous les spectateurs ! Malheureusement, les portes auraient dû rester fermées…


Pourtant, il y avait de quoi appréhender ce film. Notamment en ce qui concerne le choix du réalisateur, Colin Trevorrow, parfait inconnu en France qui n’avait à son actif qu’une comédie pour ados (Safety Not Guaranteed). Autant dire qu’entre les mains d’un tel cinéaste, avoir peur du résultat était un réflexe purement humain ! Ensuite, il fallait regarder les bandes-annonces et quelques rumeurs sur le net pour que cette crainte soit explicite : trop d’effets numériques dans une saga pourtant connue pour ses animatroniques réussis, un humour de beauf, un fan service un peu trop appuyé… Mais derrière, il y avait également la promesse d’un divertissement pétaradant, avec un casting qui attire l’œil et des sensations fortes. Bref, tout ce qui fallait pour faire oublier l’opus précédent sans pour autant prétendre battre Jurassic Park premier du nom (chose quasiment impensable). C’est beau de rêver, non !


Je sais bien qu’une critique se doit d’être la plus objective possible, mais le fan du premier film que je suis ne peut s’empêcher de crier au scandale. À la base, je suis allé voir ce film pour m’amuser, ni plus ni moins. Je n’en attendais pas une révolution technique et encore moins scénaristique. Juste un gros blockbuster qui sache pleinement me divertir. Au lieu de cela, je me suis retrouvé avec l’Indiana Jones 4/Die Hard 5 de la franchise Jurassic Park : un opus (de trop ?) qui se présente comme un gros doigt d’honneur à ses prédécesseurs. Un film qui ne m’aurait sans doute pas déplu aux vus de ce qu’il propose s’il portait un tout autre titre, s’il n’appartenait à aucune franchise existante ayant ses bases et ses codes à respecter.


Pourtant, sur le papier, Jurassic World avait tout pour un être une sorte de reboot à la franchise (malgré son statut de suite) : un titre modifié, un style visuel différent… Un blockbuster qui pouvait même prétendre à critiquer les productions hollywoodiennes à l’instar de Tomorrowland (le film répète sans cesse que les responsables offrent au public ce qu’il veut, symbolisé par l’Indominus Rex : la même chose mais en plus « waouh ! »). L’erreur qui va lui être fatale : être constamment raccroché au premier Jurassic Park. Je n’ose même plus parler de fan service tant les références suintent à chaque seconde : Si certaines références sont plutôt réussies (comme les ruines du premier parc), d’autres sont ne font que singer le film de base. Le pire reste tout de même le fait que Jurassic World va même jusqu’à copier des séquences entières de ce dernier scénaristiquement et visuellement parlant, perdant au passage toute notion de créativité et de personnalité. Mais c’est également une saga qui en prend pour son grade !


Fini les dinosaures crédibles et réalistes des films précédents, place à des animaux purement oubliables et artificiels ! La faute à des séquences qui, comme Jurassic Park 3 (les Raptors communiquant entre eux), humanisent les gros reptiles jusqu’à les rendre un chouïa ridicules à l’écran (le domptage, la séquence finale terminant sur un échange de mondanités entre T-Rex et Raptor…). Et ces derniers ne sont malheureusement pas aidés par des effets spéciaux, certes graphiquement dans la moyenne de ce qui ce fait aujourd’hui, mais n’ayant pas l’impact des trois autres films. La bande-annonce le montrait déjà : Jurassic World délaisse les animatroniques (présents sur 2-3 plans seulement) pour une surdose de numérique qui donne l’impression d’avoir des autocollants ajoutés à l’image (la scène des Ptéranodons n’en est que plus explicite). Jurassic Park et ses suites me faisaient diablement croire en leurs dinosaures, Jurassic World n’y parvient même pas. Et rien que pour cela, je ne peux que détester ce film.


S’il n’y avait que cela aussi… mais non, le film va beaucoup plus loin ! Il transforme Jurassic Park en ce qu’il n’est pas, à savoir un gros blockbuster luxueux débile et dégénéré. Alors oui, les 45 premières minutes (la découverte du parc) se révèlent être sympathiques. Oui, quelques scènes peuvent plaire aux non-fans. Oui, les comédiens semblent s’éclater. Mais encore une fois, à trop copier le 1, Jurassic World n’a nullement l’impact d’un Gardiens de la Galaxie : les personnages stéréotypés au possible font pitié, l’humour tombe à l’eau, la mis en scène brouillonne fait peine à voir (surtout lors du combat final qui manque clairement d’impact), d’énormes clichés répondent présents (ce plan final où les deux héros se font face…), la musique est bien trop discrète (surtout comparée au mythique thème de John Williams), la mise en scène désespérément plate (même le fameux Indominus Rex ne possède aucune ampleur)… Ça marche peut-être avec d’autres projets, mais pas avec un film Jurassic Park, bien plus mature, travaillé et surtout spectaculaire. Bref, on se retrouve avec un simili remake du film originel qui ne fait que singer son aîné car se montrant incroyablement ridicule et irrespectueux (rien à faire qu’il ne se prenne pas au sérieux, ce n’est pas une excuse !). Je pensais m’amuser avec Jurassic World, j’en suis finalement ressorti insulté par ce viol de 2 heures réalisé à la va-vite. Un foutage de gueule qui préfère bafouer des icônes (le T-Rex n’arrivant même pas à rattraper une femme en talons-aiguilles) et envoyer bouler les codes d’une saga qui ont pourtant fait son succès (comme se montrer purement sadique avec la mort de certains personnages).


L’antithèse parfaite de Tomorrowland : une suite surfant sur un succès passé, bafouant ce dernier mais se révélant être une véritable réussite commerciale. Jurassic World est l’assurance que les studios hollywoodiens attendaient pour avoir confiance en leurs suites (Terminator 5, Star Wars 7, Independence Day 2…). Le film peut divertir, en effet. Mais il y parviendra plutôt grâce à sa bêtise qui fera plus rire qu’autre chose, aveuglant des millions de spectateurs qui prétendent qu’un film ne doit pas être renié parce qu’il fait partie d’une saga. C’est pourtant le principe d’une suite : respecter les codes de cette dernière. Et Jurassic World se fiche de cela ! Au final, le film reprend une thématique de Tomorrowland : le public préférant fuir l’originalité plutôt qu’une nostalgie aseptisée. Comme quoi, les productions ne sont pas totalement les fautives ! Elles continuent à nous prendre pour des imbéciles, et le pire, c’est que ça marche !

Créée

le 23 juin 2015

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