Un sous-Gone Girl, faiblard et tape-à-l'oeil

L’adaptation du best-seller de Paula Hawkins, La fille du train, joue de malchance. En effet, le film sort en même temps qu’Inferno (à quelques jours d’intervalles), un « Da Vinci Code 3 » qui attire actuellement toute l’attention des spectateurs par le biais d’une promotion de grande ampleur. Le long-métrage a également le malheur d’être distribué en salles bien après l’excellent Gone Girl, autre thriller psychologique basé sur les problèmes conjugaux. Une inévitable comparaison qui, vous allez le voir, sera fatale à La fille du train, un ersatz bien faiblard du chef-d’oeuvre de David Fincher.


Pourtant, le projet avait suffisamment de cartes en poche pour se présenter au public tel un divertissement de bonne facture. Outre un casting cinq étoiles et un réalisateur ayant déjà fait ses preuves aux yeux de certains (La Couleur des Sentiments), La fille du train pouvait avant toute chose compter sur l’intrigue de son modèle littéraire. Une sorte de puzzle narratif qui use de flash-backs en guise d’indices et de retournements de situations à foison pour élaborer son suspense. Pour tisser une histoire tortueuse et prenante qui aura un impact assez important sur le spectateur. Mais contrairement à Gone Girl, la sauce ne prend jamais, La fille du train ne faisant que reprendre les grandes ligne de l’oeuvre d’origine sans aucune imagination. La faute revenant principalement à une narration manquant de fluidité, qui ne cesse d’alterner entre changements de points de vue et saut dans le temps de manière scolaire. Un constat qui provoque aussitôt un désintéressement flagrant de la part du spectateur, l’ensemble devenant trop lourd, trop pénible à suivre et ce malgré le contenu de l’intrigue. Car si ce dernier restera jusqu’au générique de fin, c’est pour avoir le fin mot d’une histoire dans laquelle il ne sera pas complètement rentré. Un comble pour un thriller du même tonneau que Gone Girl, qui était bien mieux écrit et amené que ce produit typiquement hollywoodien.


La mise en scène n’est malheureusement pas épargnée, celle-ci flirtant sans tabou du côté de Fincher. Dès les premières secondes, le réalisateur Tate Taylor nous dévoile son ambition de livrer une ambiance glaciale, austère. Si les jeux de lumières et la musique de Danny Elfman sont là pour instaurer l’atmosphère souhaitée, le reste ne suit pas. Pire, il parvient à ridiculiser et à alourdir le tout, à le rendre tape-à-l’oeil comme ce n’est pas permis. Au point de cumuler des effets de mise en scène excessivement racoleurs (ralentis, images saccadées, montage anarchique…) et une photographie par moment incompréhensible (gros plans en pagaille sur les personnages, plans où seulement un quart du protagoniste apparaît à l’écran…). Et à cause de cela, La fille du train ne réussit jamais à présenter convenablement ses propres scènes qui avaient pourtant pour but de perturber les spectateurs dans leur vision de l’histoire et des personnages : « le dénouement avec le tire-bouchon », des séquences de sexe sans passion, la « scène de la baignoire »… Gone Girl, quant à lui, frappait le public avec une telle puissance qu’il avait bien du mal à s’en remettre, même après le visionnage. Bref, un produit hollywoodien hautement artificiel qui doit également ce constat à l’américanisation outrancière et dénaturante du livre de Paula Hawkins. Londres laisse ainsi la place à la banlieue new-yorkaise et, bizarrement, tout semble plus net, plus clean (une héroïne moins alcoolique, un train et des gares plus présentables…). Avoir traversé l’Atlantique n’a pas été une bonne chose non plus pour cette adaptation…


Que reste-t-il alors au film de Tate Taylor pour justifier son visionnage ? Finalement pas grand-chose, si ce n’est les atouts déjà cités (la musique de Danny Elfman et les jeux de lumière, l’intrigue du livre…). Heureusement, le long-métrage rattrape le tir en proposant un casting tenant la route, hormis un Justin Theroux pas vraiment crédible. Une distribution aux petits oignons qui propose un trio féminin diablement charismatique, au point de surpasser la gente masculine pourtant convaincante (Luke Evans et Édgar Ramírez). Haley Bennett possède un charme électrique qui en séduira plus d’un, tout en dévoilant une tristesse, une douleur qui la ronge sans arrêt. Rebecca Ferguson fait oublier son côté « femme d’action » (Mission : Impossible – Rogue Nation) et livre une femme au foyer plausible. Et enfin Emily Blunt, talentueuse comme à son habitude, qui parvient rendre son personnage attachante malgré son allure pitoyable et dérangée. Si vous deviez laisser une chance à La fille du train, accordez-la à ses comédiennes !


Il n’empêche que La fille du train réussit au moins quelque chose : donner envie aux spectateurs de lire le matériau de base et d’en profiter pleinement. Car le film n’est rien d’autre qu’une banale bande-annonce de celui-ci. Une mise en images quelque peu regardable mais au combien facile, impersonnelle et grossière. Même s’il ne fallait pas s’attendre à une oeuvre inoubliable, nous étions en droit d’avoir un divertissement qui sache tenir en haleine, autant que le support littéraire. Encore une production hollywoodienne ayant sauté du train en marche au lieu d’arriver à destination dans les meilleures conditions…


Critique sur le site Cineseries --> https://www.cineseries-mag.fr/la-fille-du-train-un-film-de-tate-taylor-critique-80411/

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le 28 oct. 2016

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