Stallone et la SF, contrairement à Schwarzy, ça n'a jamais été une grande histoire d'amour. Probablement jaloux des excursions futuristes réussies de son rival (Terminator 1 et 2, Total Recall, Predator et Running Man), et quelque peu échaudé de s'être vu refuser par James Cameron de lui succéder dans T2, la star de Rocky s'est lancé dans le genre à seulement deux occasions cantonnées aux années 90. La première, Demolition Man, était une comédie d'action futuriste réussie, pastichant Le Meilleur des mondes de Huxley et produit en réaction à la méta-comédie Last Action Hero de Schwarzenegger. La seconde, moins reconnue, est la première adaptation cinématographique des comics Judge Dredd. Créé par les duettistes John Wagner et Carlos Ezquerra, cette série de bd d'anticipation, trash, ultra-violente mais jamais conne, fit les grandes heures de la mythique revue anglaise 2000AD, dès 1977, date de sa création. Autant dire que bon nombre de fans se firent alors une fête de voir leur héros du futur adapté à l'écran dans une production d'envergure hollywoodienne. La hype anglaise de l'époque, autour de l'avant-première du film à Londres, en témoignait au JT quand j'étais gosse.


On retrouve dans le choix du réalisateur de ce film, une constante dans la manière qu'a Stallone de gérer ses tournages. Le gonze n'a jamais cessé de déléguer la réalisation de ses films à des réalisateurs soit anonymes, soit assez jeunes et malléables, afin de s'assurer le contrôle de son image. Confié à Danny Cannon, jeune réalisateur de 30 ans issu du clip, le film prit très vite pour ce dernier les atours d'un véritable chemin de croix. Coincé entre l'ego surdimensionné de sa star et des financiers particulièrement versatiles, déterminés à flatter dame censure en massacrant le film au montage, le jeune cinéaste déchanta très vite et en aura longtemps gardé un souvenir difficile (il réalisera par la suite un polar génial Phoenix avec Ray Liotta et supervisera la direction artistique des séries Les Experts et Gotham). Jugé trop violent, le cut du réalisateur sera finalement amputé de plusieurs minutes pour la distribution en salles, la version cinéma témoignant trop souvent de coupes brutales au montage, afin d'atténuer la menace d'une classification R aujourd'hui incompréhensible. D'où les sempiternelles critiques négatives qui ne cessent de brocarder les défauts du film, trop vieux, trop Sly, trop nanar. Une réputation de ratage, amplifié par un parti-pris scénaristique malencontreux, celui de transformer la croisade fratricide de Dredd en authentique buddy movie futuriste. Flanqué d'un sidekick bavard et agaçant (oh comme on a envie de le "juger", le vilain Rob Schneider), Stallone se la joue taiseux et monolithique, dans l'esprit du personnage qu'il incarne, à ceci près qu'il se promène la gueule à l'air.
Car Stallone est Stallone. Dredd, il l'emmerde. Dès les premières minutes du film, il ôtera son casque pour révéler ses jolies lentilles bleues et son brushing impeccable. Face à lui, Armand Assante se la joue mauvais jumeau et évite lui aussi l'affront de voir son visage caché (dans les comics, son personnage a longtemps la gueule écorché), Diane Lane apporte ce qu'il faut de touche féminine dans le rôle du juge Hershey, sans que son personnage ne soit jamais transformé en enjeu sentimental (c'est un très bon point pour les scénaristes), James Remar "caméote" en élargissant son catalogue de rôles de petites frappes, Max von Sydow prête sa gueule inusable au juge suprême Fargo, figure paternelle sacrifiable, Joan Chen apprend difficilement à jouer et Jurgen Prochnow cabotine à l'envie dans un rôle de vilain magistrat, aussi félon qu'ambitieux (dommage que la censure nous ait privé de sa mise à mort, à l'origine bien plus sanglante que ce qu'on voit ici).


Jugé indigne de la richesse mythologique du comics qu'il adapte, Judge Dredd n'en est pas pour autant un mauvais film du genre. Porté par une direction artistique soignée, agrémenté d'impressionnants effets spéciaux et maquillages à l'ancienne (dont le caméo de Mean Machine et ce superbe robot de guerre tout droit issu du spin-off ABC Warrior) et appuyé par le score entêtant d'Alan Silvestri, le film de Cannon reste toujours sympathique à voir aujourd'hui malgré tous ses défauts. D'autant plus que son scénario reste globalement fidèle à certains événements des comics d'origines et que la mise en scène réussit à restituer le côté sordide et dark SF du matériau d'origine. Le film porte plutôt bien le poids de ses années et peut désormais s'apprécier comme un bon film de SF de l'époque. A condition bien sûr de ne pas trop le comparer au Dredd de 2012, autrement plus appliqué, fidèle et réussi, et qui ne cesse de fasciner votre serviteur à chaque visionnage, entre deux longues taffes de Slo-Mo.

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le 18 mars 2020

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Buddy_Noone

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