J’aimerais être aussi enthousiaste que je le suis si souvent avec le cinéma de Bresson, mais son minimalisme, sa froideur et sa précision clinique n’apporte ici à mes yeux que de la distance. Il s’agit peut-être aussi d’un certain surplus narratif au sens où la parole cette fois (il me semble qu’à ce point d’utilisation c’est assez inédit dans la carrière du cinéaste) vient couvrir en voix off de façon quasi permanente les gestes et l’action. Elle n’illustre pas, bien entendu, mais elle brise souvent l’unité de temps proposée par l’image.


 Le titre ne ment pas, il s’agit bien d’un journal. Celui d’un jeune curé affecté dans une nouvelle paroisse, à Ambricourt, dans le Nord de la France, dans laquelle les habitants, riches et pauvres, jeunes et vieux, rejettent son aide et le méprisent. C’est donc l’histoire d’un curé malade (héréditaire d’une vieille maladie familiale liée à l’alcoolisme) plongé dans ses doutes, non pas sur sa foi, mais sur l’efficacité de la transmission de sa foi, se heurtant continuellement à cette hostilité groupée, tragique ou sardonique, accentuant la cruauté de sa triste marche vers la mort.
C’était l’un des deux derniers films de Bresson que je n’avais pas encore vu, avec Les anges du péché. C’est passionnant (Moins le verbe de Bernanos que le geste Bressonnien, d’ailleurs) mais un peu trop poussé et formaliste pour moi, je le crains, comme Perceval le gallois, chez Rohmer ou Film socialisme, chez Godard. Probablement aussi que la thématique religieuse y est trop forte pour m’embarquer comme le fera ensuite le très brut, primitif Un condamné à mort s’est échappé. Je ne parviens jamais à complètement accepter son rythme. Je vois donc le temps passer.
JanosValuska
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le 6 juin 2016

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JanosValuska

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