Quand Grave est sorti il y a quatre ans, ça m’avait enthousiasmé. Non pas que le film soit  parfait, loin de là, mais ça faisait tellement de bien de voir un premier film aussi intense et insolent, qui plus est dans le cinéma de genre en France. Une petite onde de choc. J’attendais impatiemment la sortie d’un nouveau film de Julia Ducournau. C’est Titane et c’est en salle depuis le 14 juillet. J’avais prévu d’y aller rapidement.


     Or ce dimanche,  j’apprends que le film était en compétition à Cannes. Et à l’instant où je me pose devant la fin de la cérémonie, je tombe sur Sharon Stone & Spike Lee remettant la palme d’Or à… Titane. L’hallu. Julia Ducournau, 37 ans, deuxième film, palme d’or. Incroyable. Première impression : Je suis déçu pour Leos (Annette) et Apichatpong (Memoria) qui repartent néanmoins avec un prix. Certes. Mais très vite j’étais surtout ravi pour Julia Ducournau.


     J’ai couru voir Titane le surlendemain. Au vu des images de la bande annonce, des dires des uns et des autres et de la belle promesse que constituait Grave, j’imaginais bien Julia Ducournau offrir un savoureux mélange de Crash & The Neon Demon. Si les références sont bien présentes – et on peut en ajouter d’autres – difficile d’y trouver l’ambiance, le plaisir et la beauté formelle qui irriguent ces deux merveilles. Pire, je n’ai pas retrouvé une once du petit choc qu’était Grave, qui reste à mes yeux un superbe premier film, plein de défauts, mais doté de fulgurances folles.


     Au mieux, on peut y voir une continuité dans le body horror et le portrait d’un monstre. De monstres. De la famille monstrueuse. Mais j’ai le sentiment que ça fonctionnait bien mieux dans Grave, qui trouvait une cohésion dramaturgique, accentué d’un crescendo organique palpable. On y retrouve le goût pour les plaies, les démangeaisons, les vomissements, les liquides noirâtres, mais je sens moins la chair et la matière ici. Je ne vois que le programme. Et des enchaînements brutaux moins insolents que globalement ratés.


     Titane est plus foutraque, plus complaisant aussi dans son obsession pour la vignette violente et glauque. Il n’y a pas d’espace là-dedans, pas de lieux. Les blocs ne se relient pas entre eux. La bascule au tiers est un pacte qu’on n’accepte qu’à moitié. C’est une astuce scénaristique pour effectuer un virage à 180°. Certes il est préparé – les annonces du journal télévisé qui se chevauchent déjà – mais son exécution est assez laborieuse. C’est à l’image du reste : Le film se veut multiforme mais il n’abrite que des filtres.


     Et puis ça manque de contrepoint avec des personnages secondaires forts en face. Le père et la mère n’existent pas. Les gars de la caserne sont interchangeables. Le film aurait pu gagner sur le terrain de l’humour à la Tarantino, peut-être, mais hormis la scène du massacre dans la maison et celle du massage cardiaque au rythme de la macarena, il est peu inspiré. Ou gagner sur son atmosphère levitante mais n’est pas Claire Denis qui veut : Ah cette attendue danse nocturne ou ce pogo de pompiers. On est loin des légionnaires de Beau travail.


     Alors oui, je me réjouis qu’un film comme celui-ci puisse recevoir une si haute distinction. On est loin du consensus mou. Car c’est un film de genre, réalisé par une jeune réalisatrice. Mais j’ai l’impression qu’on récompense la tentative au détriment du talent, la provocation contre l’émotion. Car finalement je trouve ce film pas si éloigné des essais inégaux de Bustillo & Maury (A l’intérieur, 2005) ou de Yann Gonzalez (Un couteau dans le cœur, 2018) : Du cinéma plein de volonté, fétichiste et punk, mais très vain aussi.

JanosValuska
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le 24 juil. 2021

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