" Il reste toujours quelque chose de l'enfance, toujours ..."

Thomas, on le sent/ le sait dès le début, a un problème avec sa mère. Lui et son frère repabtisé de Patrick à François ont été adopté par les Vigier. Mais Thomas recherche sa mère par tous les moyens, rejetant tantôt violemment, tantôt plus implicitement la famille adoptive qui l'a recueilli.

De sa mère, il garde un souvenir impérissable et n'a qu'un but : la retrouver. Il détruit le fragile équilibre de ses parents adoptifs et pousse son "père" jusqu'au mutisme.

Comme dans « Le secret », les êtres tirent vers la monstruosité ou le silence à cause de l'enfance ou par l'enfant. On ne peut se douter du drame qui se noue si on ne connait rien au fait divers ou au film et c'est, à mes yeux, ce qui le rend beau, glacial et suprenant.

Les Miller ne mettent pas en place de grandes scènes explicatives, les confrontations sont brutales, rapides et les questions ont du mal à être posées. Les êtres n'osent pas se regarder dans les yeux, ils se cachent des regards, à l'image de ces plans de Thomas enfant qui observe sa mère d'abord puis sa nouvelle famille à travers sa main placée en rond. Une partie de sa vision et du cadre son obstrués. Une façon surement, de montrer la détermination, le viseur était sur sa mère, c'est elle qu'il faut retrouver.

Sans apporter de jugement, ni de compassion, le film offre des plans simples et brutaux, intimistes aussi qui oscillent entre les différentes étapes du passé et le présent.

Des plans juste contemplatifs suffisent à comprendre et retracer le parcours de Thomas, protecteur de ses frères et de la mère, celle qui les a abandonné non par désamour mais par inaptitude, à ce moment, à s'occuper d'eux.

Les yeux de Thomas sont les vecteurs du film, la détermination s'y lit, à tous les âges. Rien n'est laissé au hasard dans les plans, tout comme la violence qui s'insinue dans les gestes et l'esprit de Thomas...

Le film glacé et observateur nous offre le parcours d'un jeune homme, brisé dès l'enfance qui parcours la vie comme habité par une fatalité. Son jeune frère choisit de tout ignorer et de ne pas s'en préoccuper. Deux destins mêlés mais qui s'en sortent différemment. Le film se resserre sur Thomas tout du long, livrant une errance tantôt lucide, tantôt impossible à contrôler.

Tous les personnages gravitent dans le film, tous plus ou moins perdus. Jamais le film ne pose les bases d'une explication et tant mieux, il nous donne à voir de plein fouet ce qui se trame dans des vies ratées, oubliées, détruites sans même que la haine ne persiste, sans qu'on comprenne, sans qu'on ait besoin de comprendre, juste une monstruosité qui se cache dans un "beau jeune homme" que sa mère recueille sans trop savoir pourquoi, parce qu'elle a toujours aimé les garçons dit-elle. Elle ne comprend pas grand chose à ce qui lui arrive, il contient ses émotions et tout le film résonne à certains instants comme une longue préméditation, à d'autres comme une violence brutale et incontrôlable.

Tout est fait si froidement, sans cri, ni larmes, jamais. Et le film se déroule comme un champ de ruine où Thomas essaye encore d'opérer des destructions, rien n'est reconstruit et les plans s'enchaînent comme la lente déconstruction d'une vie déjà détruite, dans le désordre sans jamais se permettre d'être juge, sans jamais prendre parti en nous laissant avec nos propres questions, impuissants, observateurs de la vie et d'un cinéma qui nous glace tout autant qu'il nous fascine.
eloch

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