J'avancerai vers toi avec les yeux d'un sourd par Phil Hanras

Il y a une forte émotion qui éclabousse dans J'avancerai vers toi avec les yeux d'un Sourd, entre sourire et larmes, d'où les témoignages nous — en tant que sourds — reviennent en arrière, une impression de déjà-vécu : « C'est tout à fait moi. Enfin, presque ! ». Cela peut bien sûr vouloir dire que la vie sociale n'a pas du tout évolué pour la communauté des Sourds : nous sommes toujours « handicapés » dans le regard des Entendants et la Loi du Février 2005 n'est que « jolie sur le papier ».


Ce film est complétement éloigné du Pays des Sourds de Nicolas Philibert (1993) qui représente des images « négatives » faisant preuve, à regret, que l'oralisation est possible. Qu'on n'en veuille pas à ce cher Nicolas Philibert, tout d'abord parce qu'il a quand même montré l'existence des Sourds dans les années 1990 et surtout parce que, suite à la demande d'un psychiatre pour le besoin de la réalisation de cassettes pédagogique sur la langue des signes, il ne savait rien au monde des Sourds : une fois découvert, il a vite abandonné ce projet pour en faire un scénario pour prouver que les Sourds ne sont pas handicapés. Quant à Laëtitia Carton, elle connait bien sur les enjeux sociaux et politiques du combat de la communauté sourde. En revanche, tous deux réalisateurs ont un point commun : ils mettent le mot malentendant de côté.


Quel plaisir de voir la joie d'un enfant sourd, dont les parents également sourds n'avaient pas le choix de se déplacer loin de leur ville vécue, découvrant une vraie classe bilingue et une récréation avec les enfants du même identité : on n'en voit pas tous les jours, encore moins les Entendants qui ignorent à quoi ils ont raté. Quelle joie aussi de voir Camille, la chanteuse préférée de la réalisatrice qui compose la musique de film, en train de chanter aux côtés du comédien-poète sourd Levent Beskardes qui chansigne* poétiquement en compagnie de la réalisatrice et d'autres personnes sourdes et entendantes. Quelle ampleur pour Stéphane, professeur de langue des signes, qui a prouvé que n'importe quel sourd peut avoir un ou plusieurs diplômes jusqu'au BAC. Et... quelle peine pour Sandrine et Josiane qui ont traversé dans le long désert...


J'avancerai vers toi avec les yeux d'un Sourd relate parfaitement la communauté sourde et, contrairement à certaines critiques, se voit bien méticuleux que brouillon, vu qu'il s'agissait des deux-cents heures de films personnellement originaux en dix ans. Ce n'est pas forcément la qualité de ce film qu'il faut juger, mais la vérité qui compte ! Il se suit comme une poésie visuelle avec des sentiments qui nous chatouillent partout le corps.
Terriblement touchant !



  • Chansigner : chanter en langue des signes française.

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le 23 janv. 2016

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Phil Hanras

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