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Tenet étant sorti ce mercredi, partons dans les étoiles avec Interstellar, autre film de Christopher Nolan sorti en 2014. Un voyage stellaire époustouflant.



Interstellar raconte l’histoire d’un futur proche où la nourriture vient à manquer sur terre. Alors que la planète se meurt, le dernier espoir de l’humanité repose sur l’astronaute Cooper qui doit quitter sa famille pour trouver un nouveau monde habitable à travers un voyage interstellaire.


Après le thriller, le comicbook movie et le braquage saupoudré de SF, il n’était qu’une question de temps avant que Christopher Nolan ne s’attaque au Space Opera. Initialement confié à Steven Spielberg sur un scénario de Jonathan Nolan, son frère réalisateur héritera du projet suite au départ de Spielby. Il retouchera le script pour au final donner un film Nolanien pur jus.


Malgré des aspirations Kubrickienne évidentes, Christopher Nolan s’approprie totalement le Space Opera en y injectant le plus de réalisme possible, comme à son accoutumé. Pour la première fois, il démarre son film comme un documentaire avec des commentaires face caméra comme si on nous narrait un événement historique passé.


De plus, toutes les théories spatiales énoncées dans le scénario sont basées sur des réels travaux scientifiques, le physiciens Kip Thorne étant consultant durant tout le développement. La capacité des frères Nolan à rendre limpide tout ces concepts physiques rendent le film fascinant.



Interstellar, relativité et émotion



Mais plus encore, le réalisateur détourne ces théories pour en faire de véritables outils et enjeux narratifs, lui permettant une fois encore de jouer avec la relativité du temps. Un peu à l’image d’Inception, Cooper et son équipe d’astronaute doivent aller sur une planète pour y récolter des données. Cependant, située proche d’un trou noir, le temps s’écoule beaucoup plus lentement, chaque minute passée représentant plusieurs années sur notre terre.


Bien évidemment, ils perdent du temps et une fois la planète quittée, 30 ans s’est passé sur notre globe terrestre. De quoi amener à un véritable déchirement émotionnel de Copper voyant les vidéos de ses enfants vieillir, scène brillamment interprété par un Matthew McConaughey qui montre enfin tout l’étendu de son talent.


Car oui, toute la force émotionnelle et les motivations du personnage repose une nouvelle fois sur les valeurs familiales. Cooper fait cela pour ses enfants et surtout pour sa fille, interprété par Jessica Chastain, avec qui il a une relation privilégiée. On retrouve donc à nouveau le motif de la femme perdue mais cette fois-ci pas de l’amante mais de l’enfant. Bien qu’il soit mentionné que cette famille ait perdu leur mère.


Ce sont même ces valeurs qui donneront toute la morale du film : l’amour peut transcender le temps et l’espace, ainsi que sauver l’humanité. Une véritable force, immuable, à l’instar de la gravité. Une morale que l’on avoue être pas mal niaise dans son fond mais touchante dans son exécution. Une avancée pour un cinéaste plus souvent intéressé par l’histoire que l’émotion.



Les limites du réalisme



Cependant, l’obsession pour le réalisme de Nolan atteint tout de même ses limites. Toujours accompagné d’effet pratique assez bluffant (Des images d’espace étant réellement projetées sur le plateau), la photographie du film, réalisé par son nouveau collaborateur récurrent Hoyte Van Hoytema, se borne à aborder un aspect documentaire. En résulte des caméras portées et carrément embarquées sur le vaisseau et par conséquent des gros plans qui gâchent quelque fois le spectaculaire des scènes et nous empêchent de bien nous repérer.


A l’image de la séquence, impressionnante de tension et de créativité, de la montagne vague où il manque des plans d’ensemble pour en prendre plein les yeux. Mais cela n’est pas nouveau chez le cinéaste, l’action n’est pas ce qui l’intéresse. On peut aussi citer la confrontation sur la planète glacée entre Cooper et le Dr Mann, qui s’avère très pauvre dans sa mise en scène.


Heureusement Nolan sait tout de même se rattraper avec des scènes ahurissantes, comme celle où la navette doit parfaitement s’amarrer à la station tournoyante. L’accompagnement musicale de Hans Zimmer, à base d’orgue orchestral, n’est pas innocent à la majesté qui se dégage de l’image. Encore plus impressionnant lorsqu’on sait que le compositeur n’avait volontairement aucune indication sur le récit et pourtant le tout colle parfaitement.


Mais on retiendra surtout la séquence de fin au sein du trou noir, où le cinéaste laisse de côté son réalisme pour nous offrir visuellement un véritable concept abstrait qui explose nos perceptions et s’amuse avec le concept de 5 dimensions. On regretterait presque que le réalisateur ne fasse pas plus souvent ce genre de digression spectaculaire. Dans tous les cas, avec Interstellar Nolan marque un pas en avant dans sa recherche esthétique, s’autorisant enfin des visuels un peu plus clinquants comme avec le trou de ver ou l’extérieur du trou noir. Cela pour le plus grand plaisir de nos yeux.



Twist, mensonge et temps



Au delà de la réalisation, l’écriture n’est pas en reste puisqu’il s’amuse gaiement avec le concept de boucle temporel pour nous twister l’esprit, comme il l’aime tant. Mais les retournements viennent aussi de personnage manipulateur (une fois encore) comme le Dr Mann ou menteur comme le professeur Brand, interprété par l’éternel Michael Caine.


En effet, ce film permet de confirmer un autre motif du récit Nolanien. Celui du mensonge qui poussera d’abord les personnages à agir avant de tout remettre en question : Dans Following Cobb ment sur ses intentions qui influence les actions des autres personnages; pour Memento Léonard se ment à lui même; dans le Prestige tout le monde ment à d’autre; pour The Dark Knight la vérité sur d’Harvey Dent est cachée et enfin dans Interstellar, le plan A n’est qu’une fumisterie faite pour motiver les personnages à aller dans l’espace.


Christopher Nolan développe donc encore un peu plus son style cinématographique avec Interstellar, confirmant certains de ses gimmicks. Il profite des théories de la physique pour continuer ses expérimentations temporelles tout autant qu’affirmer son obsession pour le réalisme, pour le meilleur mais aussi pour le moins bon. Il n’empêche qu’Interstellar reste une claque qui retourne une nouvelle fois l’esprit et renoue avec un cinéma plus émotionnel.

Créée

le 30 août 2020

Critique lue 79 fois

Cinédreamer

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