Christopher navigue un peu seul, loin au-dessus d’une marée basse qui, en se retirant, laisse la grise grève exposer les carcasses de vieux crabes comme Michael Bay ou les étoiles de mers mortes de type Rolland Emerich. Il lève un regard intrigué vers un ciel plombé par le talent défunt des Stanley Kubrick ou Andrei Tarkovsky, astres depuis trop longtemps éteints, mais dont la lumière blême continue à irriguer la planète cinéma, jetant de grandes plages d’ombre sur une production pourtant sans grand relief.

Au cœur de cette solitude, Christopher pâtit d’un manque de repère qui le pousse à naviguer à vue. Le barreur a du talent, ce qui lui permet de sortir de gros coups de tabac grâce à des fulgurances inattendues. Voir entre autre ce montage miraculeux qui permet au héros terrassé de chagrin de se détacher de l’amour filial en même temps que de l’attraction terrestre.
Mais la virtuosité et l’ambition ne suffisent pas face à l’immensité. Les plus grands loups de mer le savent, l’humilité est essentielle pour parvenir à traverser les plus grands océans, fussent-ils stellaires.

S’il était scientifique, Interstellar ne s’embarrasserait pas de ses raccourcis oiseux, de ses coïncidences temporelles téléphonées ou ses pirouettes spatiales Straussiennes.
S’il était poétique, Interstellar n’essaierait pas, pendant le plus clair de son temps long, d’essayer de chasser son propre mystère en décortiquant verbeusement le pourquoi et le comment.
S’il était blockbusté, Interstellar n’aurait pas désamorcé tout suspens dès ses premières images, vidant de toute substance ses -du coup superflues- séquences sous fausse tension.
S’il était habité, Interstellar n’appesantirait pas ses plages lacrymales avec une telle insistance rythmée, et n’enroberait pas son joli message transgénérationnel dans de tels salmigondis scénaristiques.

S’il était un grand film, Interstellar réunirait pourtant toutes ces facettes en un maelström fascinant, éclaboussant de sa beauté les époques et les chapelles cinéphiles.
S’il n’est finalement qu’un film un peu trop ambitieux, Interstellar est un rainbow cake dont chaque étage, trop capiteux, annihile la saveur des couches voisines.

Une invitation vers les plus lointains horizons, dont la volonté de tout trop bien faire de son hôte laisse une partie de ses voyageurs terrassés sur le siège de leurs vaisseaux, cloués à terre par une tempête de sable interdisant tout transport, émotionnel, intellectuel ou sensoriel.
Trop de directions pour une seule trajectoire.
Trop de vents contraires pour une seule voile.

Mais comment reprocher à l’explorateur de ne pas toucher au but ?
L’impulsion initiale, la volonté de découvrir ses limites n’est-elle pas la plus importante?
guyness

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