Insidious premier du nom témoigne de la pleine réussite d’un dispositif alors naissant qui, aujourd’hui encore exploité, tend à s’essouffler : l’alternance du noir et du rouge, comprenons de l’immontrable et du surgissement, de la pénombre menaçante et de la menace pleine et entière, là, devant nos yeux. James Wan dévoile avec habileté son démon et la peuplade d’esprits tourmentés qui l’entoure de sorte à jouer, le plus longtemps possible, avec nos angoisses : la finalité cathartique est renforcée par la nécessité éprouvée par les personnages de purger leurs passions, qu’il s’agisse de la mère au foyer délaissée ou, surtout, du mari au passé trouble ; sans oublier que l’espace privilégié par le film est celui de la maison, offrant un huis clos paranoïaque des plus maîtrisés. Un seul décor – quoiqu’il y ait deux habitats successifs – que la caméra sonde avec une mobilité surprenante tel un esprit arpentant les couloirs déserts et les chambres d’enfants dans l’espoir de trouver un corps à habiter. Il revient alors aux différents protagonistes de creuser ce lieu pour en dévoiler la malignité : les supports sont multiples, des visions expressionnistes montrées en analepses aux dessins du petit Dalton en passant par les photos d’enfance de Josh.
James Wan revendique cette esthétique du dévoilement par un jeu avec notre regard : lorsque la caméra gravit les marches de l’escalier et atteint la chambre du nouveau-né, notre œil perçoit d’abord le bébé debout dans son lit (au premier plan) avant la menace qui se trouve derrière lui ; lorsqu’elle suit Renai occupée à mettre un vinyle, notre œil perçoit une forme s’apparentant à un garçon caché dans l’angle d’une petite pièce en enfilade ; lorsqu’elle suit les allers-retours d’un homme derrière la fenêtre de la chambre conjugale, notre œil ne perçoit qu’une menace extérieure aussitôt écartée – par mur interposé – aussi ramenée à l’intérieur. Dit autrement, sa mise en scène est insidieuse, elle prend possession de l’esprit de son spectateur pour mieux, à terme, ravir son corps, aidée en cela de la musique cacophonique de Joseph Bishara faite de violons et cordes pincées ou frappées. Une œuvre terrifiante, singulière et radicale.