Je dis juste un mot vite fait de ce qu'est pour moi la trilogie. Grâce à Spielberg, Lucas, Ford, Kaufman et bien d'autres, on a eu le droit, miraculeusement, à trois putains de volets époustouflants (oui, je kiffe aussi à mort Le Temple maudit et je suis prêt à le défendre bec et ongles !), à ce que je considère comme la quintessence absolue du cinéma d'aventure et du dépaysement. Il n'y a pas de termes assez puissants pour que je sois capable d'exprimer combien j'adore cette trilogie, combien elle compte pour moi.


A la remarque, "ouais, tu devais pourtant très bien t'attendre à ce que cela n'atteigne jamais la qualité de la trilogie originale !", c'est vrai, je le confesse. A celle, "il faut savoir s'en contenter !", là, je réponds énergiquement, NON, NON, NON et NON... Posez-vous cette question : en quoi, vous, spectateur des années 2020, n'auriez-vous pas le droit à la même qualité qu'un spectateur des années 1980 ? Alors, évitez de me balancer cette réflexion stupide... merci...


Ah oui, dernière objection, "ouais, mais James Mangold, c'est un excellent réalisateur, il ne ferait pas de la merde !"... euh, vous n'avez toujours pas saisi que Disney prend des cinéastes loin d'être dénués de talent pour se donner l'apparence d'en avoir quelque chose à foutre artistiquement, tout en balançant à la gueule du principal concerné un cahier des charges à respecter absolument, dont le principal objectif est de réussir l'irréalisable numéro de contorsionniste d'avoir des poils pubiens, bien ESG, des pontes de BlackRock au fond de la gorge, tout en léchant les bottes des autorités chinoises, pas franchement ESG, au détriment, bien sûr, de toute qualité et ambition.


Bon, je commence par la forme. Elle est à gerber. L'ensemble est constitué de fonds verts et de CGI qui rendent le long-très long-métrage (ouais, 2 h 34 quand on se fait chier, c'est une éternité !) esthétiquement désagréable à l'œil, avec sa photographie lisse, suréclairée ou alors, au contraire, trop sombre, ne mettant pas en valeur le plus petit cadre, faisant que l'on a presque en permanence l'impression que rien n'est tourné en décors naturels (même quand c'est tourné en décors naturels !). Conséquence encore plus grave, lors des séquences d'action, il est impossible de ressentir la plus petite sensation de danger, d'avoir peur pour les personnages puisque tout fait faux. Ben oui, il n'y a rien de concret, rien de palpable. En outre, personne ne transpire, personne ne se salit, personne n'a d'égratinures (seules les balles semblent avoir la capacité de créer des blessures !), donc pour les sensations physiques, pour les sensations de l'effort, on repassera. Et cela se voit que les comédiens gesticulent devant des putains de fonds verts. En plus, à propos des séquences d'action, elles sont mal montées, mal fichues, sans la moindre notion de l'espace, de savoir d'où sont les dangers en présence, avec quelquefois une difficulté à identifier qui est qui (notamment lors de la scène de la plongée !). Le de-aging est aussi un échec. Quand Ford a un visage jeune, la plupart des muscles faciaux restent figés. Et entendre une voix de vieux sortant d'un corps de jeune n'arrange rien à l'affaire pour la crédibilité. Tout est brouillon, dans un gloubi-boulga immonde. Là, au moment durant lequel je tape cette critique, ça fait environ une demi-heure que j'ai vu le bousin et je suis incapable de dire précisément comment crève chaque méchant tellement c'est dilué dans le gloubi-boulga. Alors que dans la trilogie originale... putain, qu'est-ce que les morts étaient marquantes, chacune d'entre elles, la vache... Le machin a coûté près de 300 millions de dollars. Cette somme est colossale, y compris pour un blockbuster. Même en enlevant le cachet très conséquent d'Harrison Ford, il y en a qui ont dû se servir sacrément dans la caisse, parce que je ne vois pas du tout où est passé chaque dollar. J'évite de comparer le désastreux rendu global au travail magnifique, notamment de Douglas Slocombe, sur le visuel de la trilogie, sinon je risque de chialer, tant l'écart est abyssal.


Ensuite, votre suspension consentie de l'incrédulité est défoncée comme ce n'est pas permis. Un véritable massacre. Déjà, les nazis n'utilisent pas leurs armes à feu (mais tirez à travers les vitres des portes de compartiments, bande d'abrutis gammés, et l'autre guignol sur le toit du train, pourquoi il attaque avec un morceau de lance dans un premier temps au lieu d'utiliser tout de suite son flingue !) et ne tuent les gens que quand ça arrange le scénario. Il est historiquement avéré que les nazis n'avaient recours que très peu aux armes à feu et hésitaient à tuer des gens... phfffff...


Les antagonistes s'arrangent toujours à faire leur coup bruyamment devant un maximum de témoins, même des dizaines de milliers lors d'une parade sans que cela leur pose des problèmes. Et sur quelle base Indiana est accusé de meurtres ? Ah ouais, c'est trop facile de prendre l'avion pour l'étranger quand vous êtes recherché partout et que votre tronche est affichée dans tous les médias ! Et pour l'accusation de meurtres, c'est totalement foutu à la corbeille pour la suite, comme si celle-ci n'avait jamais existé. Et je vous passe, par flemme et découragement, les détails sur le nombre incalculable de fois lors desquelles tout se résout avec une déconcertante facilité et que tout le monde se rencontre par hasard, toujours au bon endroit au bon moment, comme si le monde se résumait à trois pâtés de maisons, par la magie de la paresse scénaristique.


Les personnages... phfff... alors, il y a un moment entièrement gratuit durant lequel le grand méchant blanc nazi est un grand méchant blanc raciste quand il s'en prend à un garçon d'hôtel afro-américain, comme ça, sans raison... Oh mon Dieu... les nazis n'étaient pas des progressistes, défenseurs acharnés de la tolérance envers toutes les ethnies... Oh non, pas possible... Oh, une Afro-Américaine qui est complice des nazis... De la nuance, enfin... Ah bah non, les méchants nazis butent des gentils innocents et la gentille Afro-Américaine, agente de la CIA, est choquée (car il est connu et reconnu que la CIA n'est constituée que de gentils, ne voulant pas s'en prendre à des innocents !). Et, oh mon Dieu, la CIA n'a pas l'air de savoir, par l'intermédiaire du personnage que je viens de mentionner, qu'elle a eu recours aux services de nazis... Donc, la CIA est incapable de fouiller dans le passé des gens et était incapable moralement de faire appel, en toute connaissance de cause, à des anciens serviteurs des desseins abominables du moustachu. Ouah, on devrait béatifier ce service d'espionnage. Que fait le Vatican ?


Pour ce qui est des personnages secondaires, on peut savoir à quoi sert Antonio Banderas là-dedans ? Et Sallah qui n'est là que pour le fan service. Et l'affreux scientifique, incarné par Mads Mikkelsen, a la capacité fabuleuse de ne pas prendre la plus petite ride en un quart de siècle et d'avoir un visage intact, même après s'être pris un panneau, en plein sur la gueule, à grande vitesse (passons sur le fait qu'une personne normalement constituée aurait été tuée sur le coup !).


Pour les protagonistes, certainement pour essayer de recréer la grande réussite qu'était Short Round (Demi-Lune dans la VF !) dans Le Temple maudit (oui, vous savez l'attachant, brave et futé jeune garçon chinois qui est un véritable pote de notre explorateur, un précieux allié, les deux s'entraidant souvent face aux plus dangereux périls !), il y a un gamin tête-à-claques, dont les seules fonctions du point de vue des interactions avec notre explorateur est de le voler et de se foutre de son âge (oui, tu es vieux, c'est trop marrant, mdr... petit con !). Il est complètement inutile dans l'intrigue. Et pour ce qui est de l'avion sur la fin, réécrit autrement, le bombardier aurait pu rester en bon état de marche (d'ailleurs, le suspense et la tension n'auraient pas été renforcés, si le portail temporel avait été montré régulièrement en train de se fermer ?... et pourquoi, les personnages du passé lointain tirent uniquement sur le premier avion et pas sur l'autre ?... et putain de bordel de merde, comment un ado peut-il réussir piloter un avion ? Ouais, mais dans Le Temple maudit, Short Round conduit bien une voiture... euh, piloter un avion est considérablement plus compliqué que de conduire une voiture !).


Quant à la filleule du héros, elle est la femme qui gère tout le temps pour s'en sortir, qui ne chute jamais, qui pète constamment et sans une éraflure la gueule des méchants, qui fait tout mieux et sait tout mieux qu'Indiana Jones, tout en ne manquant pas une occasion de le rabaisser, celui-ci n'étant plus qu'un papy grincheux, qu'elle ne fait que sauver quasi à chaque fois parce qu'il n'est plus capable de le faire lui-même (enfin... à partir du moment lors duquel elle ne décide plus de le chaparder et de le fourrer dans le pétrin avec les nazis, en en ayant d'un coup quelque chose à foutre affectivement de lui, sans la plus riquiqui once de crédibilité psychologique, pour la raison que "fermez votre clapet, c'est magique !" ; oui, le récit nous dépeint une pure sociopathe, s'en carrant donc des conséquences que ses actes peuvent avoir sur les autres, aussi gravissimes soient-elles, comme enfermer son parrain dans le magasin d'une bibliothèque avec des nazis - OK, va pour la sociopathe, mais assumez-le comme une antagoniste, parfois alliée, mais seulement par la force des circonstances et de ses intérêts, jusqu'au bout... ah non, pas du tout ESG... une femme ne peut pas être méchante, c'est vrai, seuls les hommes blancs hétéros le sont - qui finit par ressentir de l'affection pour la baderne... une sociopathe ressentir de l'affection... eeeeeeeeeeuuuuuuuuuuhhhh !).



Oh, je ne faisais que rêver depuis mon enfance de voir un héros drôle, séduisant, fort, courageux, intelligent, charismatique, humain, avec tout ce qu'il faut de fragilité pour ne paraître trop parfait et pour n'en être que plus attachant, que j'aurais souhaité être, que j'admire avec intensité, qui m'a procuré une bonne dose d'expériences cinématographiques exaltantes, réduit à l'état de terne vieille carpette croulante (enseignant dans une université miteuse devant des étudiants et étudiantes somnolents... ben ouais, quelle honte d'avoir porté au pinacle un beau gosse à lunettes, professeur dans une fac prestigieuse, dont ses étudiantes étaient amoureuses... déconstruisons, déconstruisons ! ) par un personnage féminin, présenté comme bien supérieur à lui, physiquement et intellectuellement. Merci Disney, merci sainte Kathleen Kennedy, prêcheuse de la bonne parole, merci Phoebe Bidule-Truc d'avoir rendu cela réel.


Ouais... mais c'est bien qu'il y ait une femme forte enfin dans cette saga... Euh, dans chaque volet de la trilogie, il y a une femme forte. Oui, même Willie du Temple maudit qui est une sacrée casse-couilles, mais ce caractère de chieuse assumée par le scénario lui injecte du relief, un côté comique efficace, à la personnalité inoubliable, étant donné que voir le caractère le moins disposé à vivre le type de mesaventures que connaît Indiana est fascinant. Oui, même Elsa de La Dernière Croisade, intelligente, manipulatrice, femme d'action quand la situation l'exige, dont le seul tort est que son obsession du Graal la pousse à choisir le mauvais camp. Et Marion des Aventuriers de l'arche perdue, amoureuse au caractère trempé, amie fidèle, complice du mec sexy au fouet et au traveller, n'hésitant pas un seul instant à mettre la main à la pâte pour aider l'objet de sa flamme, qui se fait souvent capturer parce que les adversaires sont plus nombreux et plus costauds physiquement. Ça, ce sont des femmes fortes, ayant certes chacune leurs défauts (surtout Willie et Elsa !), mais qui amènent quelque chose au film, au récit, au héros et non pas un vulgaire discours politique arrogant d'une multinationale viscéralement hypocrite, visant bien à souligner combien le mâle blanc hétéro ne mérite plus d'être considéré comme un modèle positif, glorieux, car périmé. Et depuis quand Indy a peur des araignées et des insectes (rabaissons-le, rabaissons-le encore plus !) ? Sa phobie, ce sont les serpents ! Seules les femmes et les minorités ont droit d'être héroïques. Euh, l'entraide, comme celle d'Indy et de Marion dans le premier volet, comme celle d'Indy et de Short Round dans le deuxième, comme celle d'Indy et de son père dans le troisième, ce ne serait pas une meilleure valeur à défendre ?


Autrement, John Williams recycle des partitions musicales mythiques, sans rien créer d'autre de mémorable à côté. Sûrement pour faire vibrer la fibre nostalgique et parce qu'il ne sait plus trop quoi faire.


La trilogie Indiana Jones est un beau corps sain qui a connu deux énormes furoncles, un en 2008, un autre en 2023. Une fois ces énormes furoncles vidés de leur pus, à l'odeur de chair en putréfaction, et avec une bonne dose d'antibiotiques, il ne reste plus que deux petites cicatrices légères en creux. Ainsi la trilogie peut continuer à provoquer des orgasmes cinéphiles.


Reste que cette fin déchire grave sa race. Ben ouais, quelle meilleure conclusion qu'Indy (ou Junior !), Henry, Sallah et Marcus, chevauchant dans le désert, vers un coucher de soleil, sur les notes triomphantes d'un John Williams à son zénith, filmée par un Steven Spielberg au sommet.


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