Jeune correcteur dans une imprimerie d'Angoulême, Lucien est l'amant de la baronne Louise de Bargeton et se rêve écrivain poète. En une soirée à l'opéra de Paris, il dégringole de protégé de l'influente marquise d'Espard à roturier parvenu qui triche sur sa particule - que portait sa mère mais dont il n'a pas hérité. Rejeté par le monde parisien, un autre monde va lui tendre les bras, auquel il donnera le talent de sa plume: le monde fantasque du journalisme d'opinion.
Adoptant un ton extravagant, caustique et cynique, le film arrive à poser le décor historique, économique et social de la Restauration, tout en faisant avec adresse des ponts avec le monde du 21ème siècle: la polémique, les liens étroits entre le monde politique et médiatique, sans oublier les fake news. "La compromission est de tous les siècles".
La voix du narrateur qui nous annonce le tenant dramatique de l'histoire qui nous est contée, participe de ce ton décalé. Elle est aussi le moyen de faire généreusement état des techniques immorales, dans une description enjouée et sans équivoque. A ce titre, le rédacteur du journal, joué par le cocasse Vincent Lacoste, fumant la chique à longueur de journée, est parlant: il explique que le coeur du métier de journaliste consiste à renflouer les actionnaires en ratissant large sur le dos des lecteurs, afin que la polémique fasse couler de l'encre et de l'argent.
On pense aussi à Dauriat, le plus grand éditeur de Paris ne sachant ni lire ni écrire. Il est joué par le grand Gérard Depardieu, à l'aise dans cette figure de plénipotentiaire de l'édition. Le clou de l'immoralisme est représenté par Singali, chef d'orchestre des sifflements ou applaudissements, chorégraphe de lancers de tomates ou de fleurs, faiseur de succès ou de navets en fonction du plus offrant.
La pose de l'intrigue et la lente déconfiture de Lucien encadrent l'élan jouissif qui constitue une belle part des 2h20 du film, celui de la loi de la Critique.
A la lecture politique, historique et journalistique s'ajoute une lecture sociale, puisque l'appartenance à la noblesse est l'illusion perdue, la particule de trop qui fait chuter le polémiste, pris à son propre jeu. Il y a aussi Coralie, qui rappelle qu'elle croit en la valeur travail à Louise. Malgré tout, Lucien le provincial et Coralie, fille sans éducation, se briseront sur le plafond de verre de la Restauration.