Lors d'un récent concours, les adolescents américains plaçaient Hunger Games parmis leurs films préférés, derrière les Twilight et Identitité Secrète : une fabrique à névrosés et un bidon de lessive. (http://www.ecranlarge.com/article-details-23448.php) Inquiété par les goûts de ceux qui sont aussi de futurs adultes, citoyens consommateurs, je me demande ce qu'il en est de ce Battle Royale américain.

Alors déjà, j'ai un problème avec la qualité de fabrication. J'aurais volontiers applaudi aux tentatives de mises en scène, car il y a une manière de filmer, un peu à la Aronofsky version Black Swan, caméra portée très près des visages. Le sentiment d'oppression qui en résultait impregnait l'ensemble du film d'Aronofsky, ici pour Hunger Games, ça m'a juste collé la gerbe (ma gueule de bois y était peut-être pour quelque chose, soyons honnêtes).
Ensuite, comme dans tout film de SF qui se respecte, il faut de la direction artistique, dans les décors, les maquillages ou les costumes. Là aussi, tentative de faire un truc un peu original, qui tombe dans l'horrible, vraiment pas beau. Il ne s'agit peut-être que d'une question de goût, mais moi une robe pas belle qui fait du feu, ça sert à rien d'insister, ça me fait pas rêver. D'une manière générale, les couleurs sont ou bien criardes et agressent l'oeil, ou bien carrément absentes, la faute à une photographie insipide.
Un mot sur les faux raccords, assez hallucinants, car franchement visibles. Je pense à l'arc et au carquois, dont on souligne en permanence l'importance stratégique pour l'héroïne. Quand on insiste à ce point sur un détail de survival, moi comme un con je surveille les flèches, savoir combien il lui en reste. J'ai juste vu que j'étais manifestement le seul à m'y intéresser, car les faux raccords à ce niveau se sont enchaînés sous mes yeux, comme si le réalisateur pensait que personne n'allait regarder...

C'est peut-être un détail, mais il montre bien l'absence de réflexion sur certains codes du film de genre, qui ne sont pas utilisés, ce qui rend les choses superficielles et interdit l'implication émotionnelle. Cette implication n'est jamais réalisée, et on n'a jamais peur pour l'héroïne, on ne sent jamais la proximité de la mort, on ne sent jamais l'horreur qu'il aurait fallu utiliser pour nous (me?) faire accrocher.

On pourrait peut-être se dire que l'intérêt du film tiendrait dans une critique sociale. Effectivement à ce niveau là il y avait matière à faire. Le monde décrit des districts totalement dominés par un état central, le Capitole, qui exploite la main d’œuvre des districts et se complaît dans la mode et les spectacles (d'où les couleurs criardes?), dont la téléréalité, qui est ici censée produire un réçit national : les districts doivent payer leur ancienne rébellion en fournissant tous les ans des adolescents qui iront s’entre-tuer pour la gloire. Il y a dans cette configuration des choses à dire qur le fascisme, l’impérialisme, le voyeurisme et la mode, etc... Sauf que non. Cette critique sociale est tellement accessoire, traitée tellement superficiellement, qu'elle en devient un simple gadget, et pas du tout la fin du film.

Non, le but du film est de nous impliquer émotionnellement derrière l'héroïne, qu'on ne quitte jamais. Ce n'est pas une mauvaise idée en soi, en utilisant l'émotion provoquée par la proximité de la mort, on aurait pu montrer en filigrane l'horreur de la situation sociale et la dénoncer. Sauf que comme je l'ai dit le film échoue totalement à nous impliquer émotionnellement, et la mort ne fait jamais peur. Quand elle n'est pas rapidement expédiée, elle est complètement aseptisée : ainsi la mort d'une gamine de 12 ans embrochée par une lance, sans une goûte de sang, sans angoisse, rien, du vide et une tentative de faire du beau avec la mort d'un enfant assez gênante.

Le problème c'est le manque de couilles du film. On a là une telle pudeur face à la mort, à la violence, au sexe aussi, que ça en touche au puritanisme. En empêchant l'implication, ce puritanisme rend le film vide, mais aussi puant, et c'est bien plus grave. Je m'explique. L'histoire de base est violente : des enfants qui s'entre-tuent pour la gloire sous le regard des adultes. Le film, lui, n'est jamais violent, car il évite soigneusement de traiter la violence de l'histoire, par pudeur. Le résultat est que la violence semble normale, ça ne choque personne des massacres d'enfants, ça ne choque personne de voir l'héroïne tuer son prochain ; je rajoute que les prochains en question sont tous montrés comme des connards psychopathes. C'est encore moins problématique de la voir les tuer.

Au final, en voulant éviter de choquer son spectateur, le film en devient fondamentalement choquant et puant, voyeuriste aussi. En refusant de traiter sa problématique, le film éloigne toute réflexion possible sur des sujets difficiles, auquel chacun doit se confronter, y compris les ados, citoyens en devenir. Identité Secrète les pousse à consommer du rien, Twilight à pas baiser, Hunger Games à pas réfléchir. Moi, je m'inquiète.
ubhbeb
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le 12 sept. 2012

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le 12 sept. 2012

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