Ah elle est belle la jeunesse !

Les hasards de Youtube me font quelques fois tomber sur des archives de l'INA. On y voit des micro-trottoirs avec des jeunes gens au langage plus châtié que nos adolescents actuels, ce qui amène immanquablement des commentaires visant à démontrer que le niveau s'effondre, que la jeunesse part en couilles, des remarques sur l'immigration, etc. Le film de Blier a au moins le mérite de montrer qu'avoir un vocabulaire soutenu et une bonne élocution ne font rien à l'affaire. Ces seize jeunes de classes sociales diverses et aux études différentes, des bons petits français, futurs boomers, ont tous à peu près le même langage, que ce soit la mère célibataire, la crapule, le fils à papa ou l'ouvrier, mais cela ne les rend pas bons ou moraux pour autant.

C'est évidemment un biais cognitif d'être plus impacté par le négatif que le positif, mais une partie de ce que raconte ces jeunes est assez glaçant. Celui qui tire le sac d'une dame n'a pas de remords, le bourgeois trouve normal de reprendre l'usine de son père, et, excepté l'ouvrier qui a une conscience sociale, tous ne parlent que de leurs petits désirs individuels, de rêves de voitures, de cinéma... Les parents sont vus comme des tiroirs-caisses et méprisés, ceux qui critiquent le cliché bourgeois du mariage et de la vie bourgeoise n'ont rien à proposer d'autre, plusieurs pères sont violents, et certaines anecdotes sont carrément glauques. La politique ne les intéresse pas, rien ne les intéresse particulièrement d'ailleurs, le film présente une génération assez nihiliste et assez dure envers la génération précédente.

Le montage de Blier arrive à nous rendre intéressants ces témoignages, à créer une sorte de dynamique, comme si ces jeunes discutaient entre eux. L'expression d'un visage semble répondre au personnage précédent, comme le fera le Zapping quarante ans plus tard.

Si le même film était fait aujourd'hui, avec ces mêmes propos, qu'est ce qu'on entendrait pas sur la décadence de la jeunesse. Est-ce qu'on arriverait même à saisir ces paroles de vérité ? Qui oserait dire devant une caméra, pour le cinéma (ou la télévision ou Internet), ce que ces jeunes disent ?

Sociologiquement parlant, ce film est une pépite.