Happy End
7.7
Happy End

Film de Oldřich Lipský (1967)

Le penseur et philosophe gaulois Asterix « la moustache » avait coutume de dire :

« Ils sont fous ces tchèques »

Et d’ajouter :

« Ils m’ont mis la tête à l’envers »

Il avait raison l’érudit. Ils sont fous.
Ce n’est certainement pas Lipsky qui le fera mentir.

D’ailleurs, c’est une tête qui introduit ce film. Prise de velléités d’indépendance vite anéanties, cette tête a quitté le corps qui la portait depuis une trentaine d’années.
Elle le rejoindra bien vite, qu’on se rassure. Ces retrouvailles, métaphore évidente et romantique, sont une naissance.

Débute alors la plus vaste ellipse cinématographique de l’histoire.
Peut-on encore parler d’ellipse alors que l’intégralité du film se déroule à l’envers ? Le débat est ouvert pour les puristes.

Lipsky, s’il nous prouve immédiatement qu’il n’en est pas un et ne craint pas de briser quelques codes, démontre avant tout qu’il est un passionné de cinéma. Ainsi, son film est gorgé de références à la comédie populaire, au théâtre et même aux grands films muets.

Le traitement de l’image est pour beaucoup dans le succès de l’œuvre. L’utilisation de filtres donne immédiatement une identité visuelle forte au film qui, étonnamment, semble intemporelle. Les jeux de lumière sont bluffant, héritage assumé des années 20.

La réalisation atteint des sommets d’ingéniosité. Il le fallait pour ne pas se casser les dents sur un projet si atypique. Cela donne naissance à un nombre impressionnants de scènes d’anthologie (le rangement de la chambre, la course hippique, l’accident de la route, la naissance de sa femme, j’en passe tant elles fourmillent).

Et les dialogues ! Incroyables joyaux d’humour noir, qu’on les interprète dans un sens ou dans l’autre, ils sont hilarants et cette duplicité ajoute encore à leur charme.

Trente-six ans avant Irréversible et quarante-trois ans avant Benjamin Button, Lipsky avait déjà tout dit en la matière et livre une œuvre improbable, absurde et menée de main de maître.
-IgoR-
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Top 10 Films

Créée

le 28 mars 2014

Critique lue 814 fois

32 j'aime

5 commentaires

-IgoR-

Écrit par

Critique lue 814 fois

32
5

D'autres avis sur Happy End

Happy End
guyness
9

Conte à rebours

Les histoires d'amour finissent mal, en général. …Sauf pour Bedrich, boucher Tchèque de son état. Pour une raison simple: il commence, sans le savoir, à raconter son histoire par la fin et remonte le...

le 8 sept. 2015

35 j'aime

13

Happy End
TheBadBreaker
10

Dans tous les sens

J’ai pensé à écrire une critique en reprenant le concept du film, mais jamais je n’aurais réussi aussi bien que lui à me livrer à cet exercice ; jamais je n’aurais pu retranscrire le génie qui émane...

le 1 sept. 2015

35 j'aime

16

Happy End
-IgoR-
9

A l'envers à l'endroit

Le penseur et philosophe gaulois Asterix « la moustache » avait coutume de dire : « Ils sont fous ces tchèques » Et d’ajouter : « Ils m’ont mis la tête à l’envers » Il avait raison l’érudit. Ils sont...

le 28 mars 2014

32 j'aime

5

Du même critique

Les Lumières de la ville
-IgoR-
10

Big City Lights

Il est facile de réduire ce City Lights à sa bouleversante scène finale. Elle le vaut bien cependant tant elle se fait la synthèse de ce que le cinéma muet a de meilleur. L’absence de parole est...

le 3 avr. 2014

68 j'aime

13

The Big Lebowski
-IgoR-
9

De temps en temps y a un homme...

Avec ce film, j'ai découvert l’œuvre des frères Coen. Il reste à ce jour l'un de mes favoris. Jeffrey Lebowski (Jeff Bridges), qui se fait humblement appeler "Le Duc", est un fainéant de première...

le 24 nov. 2013

57 j'aime

13

Les Premiers, les Derniers
-IgoR-
8

Feu ! Chatterton

Un ciel sombre, chargé. Au travers filtre un mince rayon de soleil. Bouli Lanners pose l’esthétique qui habillera son film d’un bout à l’autre. Un poing sur la table. Puis il pose ses personnages. Un...

le 30 janv. 2016

56 j'aime

26