Grand classique du chanbara, Goyokin, l’or du Shogun est sans doute l'œuvre la plus populaire de Hideo Gosha. Et il est vrai que ce film reflète très bien le travail de modernisation entreprit par le cinéaste pour un genre remit au goût du jour quelques années auparavant par Kurosawa ou Kobayashi. On retrouve ainsi sa volonté de démythifier la figure iconique du samouraï en se montrant critique envers la société nippone. On retrouve également son sens de la mise en scène, singulière et efficace, qui donne toute sa superbe au combat au sabre...

Seulement, en privilégiant la forme au fond, Goyokin peine à renouveler l'excellence des œuvres majeures de Gosha, comme Hitokiri.

L'histoire nous plonge dans le Japon du XIXe siècle à une période où les clans de samouraïs tentent de devenir autonome, en s'opposant au Shogun. Ainsi, comme il faut bien vivre, ces samouraïs vont se lancer dans une entreprise de truanderie pour récolter un peu d'oseille ! Ils vont ainsi piller un bateau du Shogun pour mettre la main sur une cargaison d'or, massacrant au passage un village de pêcheurs, histoire de supprimer les témoins gênants et de brouiller ainsi les pistes.

Dès le début, le ton est donné. L'ambiance sombre, pessimiste, devient même anxiogène avec l'apport d'une touche de fantastique. La mise en scène de Gosha est imparable, elle nous plonge immédiatement dans un monde au bord du chaos, où les valeurs d'antan et la morale n'existent plus, laissant la place à l'égoïsme et à la sauvagerie. Les samouraïs se muent en tueur de femmes et d'enfants pour quelques pièces d'or, le héros déchu est tout juste bon à s'exhiber dans un spectacle de foire...reste-t-il encore quelque chose à sauver dans ce monde ? Oui, sans doute, tout espoir n'est pas perdu et on peut toujours changer en rachetant ses fautes. Ainsi, on va suivre Magobei qui va tenter de regagner son honneur en partant en croisade contre ses anciens amis. C'est carré, efficace, mais ça manque un peu de consistance !

Car une fois le décor posé, une fois l'aspect fantastique appréhendé, l'histoire évolue sans surprise sur le mode du film de vengeance. Alors bien sûr, le spectacle est assuré par de brillantes scènes d'action, mais on reste en dessous de classiques tels que Harakiri, Les Sept Samouraïs ou même Trois samourais hors-la-loi du même Gosha. La différence vient du fait que ces films avaient un propos bien plus fort et bien plus subversifs à défendre, et puis leurs réalisations étaient basées sur le même tempo. Ici, Gosha survole l'aspect social de cette période trouble tout comme l'aspect politique ! Bien sûr, il dépeint avec une certaine pertinence ce système à la dérive mais rapidement on ne voit ces samouraïs que comme une bande de hors-la-loi ou de renégats, et l'attention se focalise un peu trop sur l'action. Mais Goyokin perd également en charme en passant à la couleur ! Outre le fait que le noir & blanc donne une certaine élégance à l'oeuvre, il permet également de renforcer l'impression de désenchantement voulue par Gosha !

Généralement on fait le rapprochement entre le western et le chanbara. Avec Goyokin, on peut dire qu'on est passé directement au western spaghetti avec, notamment, une esthétisation de la violence bien plus accrue. Si Gosha donne un aspect crépusculaire à son chanbara, il signe surtout un spectacle visuel digne des plus belles réalisations du western spag'. De par son univers enneigé, on pense tout de suite au Grand Silence de Corbucci. Et il est vrai que les deux films ont beaucoup de similitudes en mettant en scène des personnages d'une vraie noirceur dans un environnement d'une blancheur virginale. Et puis l'aspect fantastique rappel Keoma ou Pale Rider ; celui-ci est très bien amené par petites touches, donnant une vraie ampleur dramatique à la scène d'intro et au final. Le reste du film s'essouffle un peu, avec des longueurs et du bavardage inutile.

Il n'en reste pas moins que Goyokin est un chanbara efficace et agréable à regarder, ponctué de scènes dantesques. Et surtout, on retrouve avec un grand plaisir Tatsuya Nakadai dans un rôle semblable à celui qu'il tenait dans Harakiri. Superbe et agréable, que demander de plus !

Créée

le 1 août 2023

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Procol Harum

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