Veronika Franz, réalisatrice de la trilogie du Paradis, partage sa casquette avec un novice (Severin Fiala) pour signer une espèce de thriller psychologique et fantaisiste d'une vanité exemplaire. Goodnight Mommy est une caricature de film contemplatif et 'bizarre', pour festivaliers et jeune public en quête d'expériences esthétiques et sensorielles inhabituelles. Ceux-là ne seront pas responsables d'ignorer tout ce qui se fait dans le domaine, encore moins d'ignorer l'existence de L'Autre de Mulligan. Au moins cette caricature est raffinée, sait ménager ses effets et exploiter son catalogue (au rayon absurde glacé).


Tout le film repose sur un mystère fébrile, fonctionne en entretenant le doute et alignant de longs plans mystérieux. La réalisation est fidèle à la 'patte autrichienne' vue de l'étranger (en particulier celle immortalisée par Haneke) mais aussi à une vague récente de films 'noirs' mutiques et fétichistes tournés en Amérique. Le 'mensonge' de base se signale mais refuse de se définir, au profit du déploiement d'un arsenal de conte de fées, avec la figure classique de la marâtre et la subversion des repères de l'enfant. Goodnight Mommy cultive ses mystères, ne lâche rien et en rajoute dès qu'il peut, c'est-à-dire dès qu'il est temps de passer à une autre longue séquence au ralenti. Le spectateur a conscience de voir les situations avec un prisme déformé mais ignore le pourquoi ; à cela le film ne répondra jamais. GM est indifférent à l'ampleur ou la nature du faux : le dédoublement du gamin ne sert à rien, sauf à déclarer l'enfant fou et donc justifier sa déviance finale. Le gadget est brandi pendant l'ensemble du film sans jamais rien ajouter ou nuancer, les deux petits bonhommes agissant de concert. Ils ne dialoguent pas et aucun n'exerce d'emprise ou d'influence sur l'autre, le petit vivant simplement avec un décalque qu'il appelle son frère. L'imaginaire empoisonné, la solitude d'un enfant, les secrets insupportables dans un petit paradis, le changement de perspective sur la mère et la création, le deuil et les trahisons de l'âge adulte : potentiel immense, à ne jamais investir (trop banal comme attitude !) ; mots-clés à chatouiller entre deux exercices d'hypnose.


Film de malin(e)s, opportuniste à tous les degrés, Goodnight Mommy reste en mesure d'envoûter les plus sceptiques grâce à ses qualités plastiques et son ambiance. Sa façon de liquider une telle histoire sans presque y toucher participe même à démontrer les talents à l’œuvre – qu'il s'agisse du travail sur le style, du goût des décors et prises de vue, ou du génie de la mystification gratuite (et stérile, mais seulement s'agissant d'enrichir et grandir le film). Quelques fantaisies glauques (madame nue dans les bois, les insectes, etc) surgissent pour donner des connotations floues, faire dans le symbolisme opaque ou l'effroi venu de loin – comme on s'achèterait des preuves de caractère. Au milieu de toutes ces poses creuses et inutiles, la séquence 'Croix rouge' interpelle. Elle veut installer une tension plus directe mais les sales manies demeurent, ce qui donne bon ou mal gré un intermède comique. Toute la dernière partie démontre par l'absurde que ce film n'a rien à dire sur son sujet et s'échine à noircir du vent : une fois la mère attachée, tout coule, avec bien sûr des escales à rallonge, vers l'horreur et le gore les plus criards et évidents. Hormis l'audace de faire dans le malsain en impliquant des enfants, Goodnight Mommy manque de force et de courage.


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Zogarok

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