2018 sera une année faste pour le cinéma fantastico-horrifique français. Après "Revenge", "La nuit a dévoré le monde" et avant "La brume" et "Slender man" réalisé par le pti frenchy Sylvain White il y a de quoi se réjouir...
"Ghostland" fonctionne parfaitement malgré un passif conséquent, notamment le fait de mélanger les genres. Le film est un puzzle de tout ce qui s'est fait ces dernières années. Inutile de se creuser les méninges, les références sautent aux yeux. Tour à tout on pense à James Wan ("insidious" pour l'étrange maison ou encore "Dead silence" pour l'univers des poupées), "La colline a des yeux" avec le monstre humain, "Le silence des agneaux" et son trans névrosé, Rob Zombie pour certains plans ou même l'humour noir, "Ouija", "L'enfant du diable", "Leatherface", "Babadook", "The witch" etc... etc... sans oublier Lovecraft à qui le film rend hommage.
Et pourtant je me suis laissé totalement embarquer comme un novice car la qualité du scénario, la mise en scène, l'approche humaine sont finement travaillées et le casting des plus efficace (même la Farmer !). Une incroyable tension s'immisce dès le début en découvrant cette mère et ses deux filles. On perçoit déjà que le ressort du film tendra plus vers l'anxiété (appréhension, nervosité, palpitation, rejet...) qu'à une peur primaire (vieux démons de l'enfance fantômes, démons, monstres...). Le malaise se place ici au niveau psychologique au détriment du chimérique.
Pourtant sur la première partie du film il y a de quoi être inquiet, après la tension extrême du début, le récit semble prendre la voie de la facilité, c'était sans compter sur la voix de Véra, amenant Beth à un triste retour à la réalité. Et c'est là que nous cueille Pascal Laugier, le processus du film est des plus communs, mais grâce à certains effets, visuels ou de situation, il n'est jamais tout à fait où on l'attend. Certains plans semblent pourtant si simples mais sont ingénieux et d'une étrange beauté (le rimmel et gros plan sur l'œil, la course effrénée dans les champs en nuit américaine, la poupée moqueuse et bavarde dans la muche...). Le rythme participe pour beaucoup à la réussite, avec cette synchronisation parfaite entre montage, son et musique lui conférant un côté haletant, celui d'une course folle contre la mort. Quant à la maison, ombreuse et sinistre, il faut saluer le soin tout particulier de Gordon Wilding à la faire vivre. Véritable métaphore des peurs de l'enfance (objets bizarres ou détournés, cave, cachettes, bruits étranges, bestiaire et représentations ésotériques...) elle devient le cadre idéal, une sorte de théâtre de sang. On songe à "l'isla de las muñecas", l'île de poupées. Cette maison dès lors comme l'antre du mal, celui de l'enfance sacrifiée.
Alors bien sur, en plus de l'accumulation de références qui fait quand même de "Ghostland" un film sans réelle empreinte, certains lui reprocheront également un scénario assez prévisible, ou encore une légère faille dans la temporalité. Mais l'on sent bien que cela n'était pas forcément la motivation ni l'intention premières de Laugier en faisant ce film mais plutôt le résultat final avec cette stupéfiante richesse (lumière, plans, montage, effets...) visuelle au service d'un film efficace et perturbant.
Efficace et perturbant "Ghostland" l'est. Je l'ai vu pendant "Le printemps du cinéma" dans une salle de multiplexe bondée d'un public passablement échauffé. Au premier coups à la porte, un silence glacial s'est installé, à peine troublé plus tard par les réactions aux jump scare. La tension dans la salle était aussi perceptible que l'intérêt des spectateurs. Rare ! A mon avis, quelques graines de pop corn ont du rester aux travers de certaines gorges...