Gallipoli
7.1
Gallipoli

Film de Peter Weir (1981)

On le sait, une bonne image vaut mieux qu'un long discours. Celle symbolisant Gallipoli, faisant également office d'affiche, à la puissance suggestive des grandes photos de guerre, elle est de celles qui marquent à tout jamais votre rétine comme votre imaginaire : un corps qui se meurt sous l'impact d'une balle, un jeune soldat foudroyé par le feu du canon, une jeunesse fauchée en plein vol par une guerre absurde. C'est ce message purement antimilitariste, aussi simple que précis, qui intéresse Peter Weir ; c'est vers cette image que va tendre Gallipoli, elle en sera la conclusion logique. Mais avant de pleurer la mort de l'innocence, avant de conspuer cette folie guerrière, il faut bien que l'on fasse connaissance avec ce qui compte le plus aux yeux de Weir : la jeunesse, d'un peuple ou d'un pays, et la promesse d'un meilleur avenir.

C'est ainsi en toute logique que le débute au fin fond de l'Australie, bien loin de cette ville turque qui sera le théâtre de l'un des épisodes les plus sanglants de la Grande Guerre. Le conflit armé, Peter Weir va d'ailleurs le repousser au maximum, ne l'abordant véritablement qu'a la toute fin du film, à partir du moment où il ne peut plus faire autrement. Son vrai sujet est donc là, sous nos yeux : ce jeune pays qui veut se positionner comme grande puissance et qui voit en l'entrée en guerre, un moyen d'y parvenir ; c'est cette jeunesse, dynamique, forte, avec des idéaux plein la tête et pour qui la guerre a le goût de l'aventure ou du challenge ! C'est ce que l'on perçoit rapidement à travers les images de Gallipoli, l'entrée en guerre est moins une source d'angoisse qu'un désir impérieux d'aller au bout de ses limites et de son rêve. Une situation bien incarnée par Archy, jeune sportif plein d'avenir qui cache des articles de guerre afin de les lire en secret et qui prépare son départ au front avec des étoiles plein les yeux ! C'est avec beaucoup de précision que Peter Weir nous montre l'incroyable décalage existant entre la douce utopie qui berce ce pays, ou cette jeunesse, et la terrible réalité de la guerre qui sera symbolisée par la boucherie du combat.

Ainsi, la grande majorité de l'histoire va se dérouler loin des coups de canon, Weir filmant la douce quiétude qui parcourt le pays, la langueur qui transpire de ces vastes territoires écrasés de soleil, la délicate mélancolie qui perfuse à travers un ciel crépusculaire. Le cinéaste s'attarde sur ces terres, sur ces lieux, comme pour témoigner, le plus justement possible, de l'insouciante jeunesse qui caractérise l'Australie. C'est cet état d'esprit que l'on va retrouver chez les deux personnages principaux, Archy et Franck : c'est leur détermination qui est mise à l'honneur lors de la splendide traversée du lac salé, c'est leur enthousiasme débordant que l'on retrouve lors de la scène de l'embarcation, c'est leur émerveillement que l'on épie du coin de l’œil lorsqu'ils découvrent le monde : le Caire, coloré et bondé, le désert et ses pyramides, majestueux et fascinant. Alors bien sûr, on se passionne facilement pour l'histoire humaine qui est contée, avec ces beaux moments de camaraderie et de ce doux parfum d'aventure qui flotte délicieusement. Tout cela est d'autant plus plaisant que les acteurs tiennent bien leur rôle et que l'on retrouve avec bonheur un fringant Mel Gibson qui électrise déjà bien la pellicule. Malgré tout, le film a bien du mal à se sortir du doux carcan dans lequel il s'est enfermé : si la guerre va véritablement survenir vers la fin de l'histoire, on a bien du mal à ressentir sa présence et son ombre anxiogène. Il manque un peu de tension, un peu de réalisme, pour que le film prenne véritablement une autre dimension ! Cette impression étrange, on la ressent notamment lors de la scène du débarquement nocturne : les images sont belles, l’esthétisme est travaillé, la musique est violoneuse à souhait... mais au final, sous ce ciel qui s'illumine comme lors d'un soir de feux d'artifice, on ne perçoit ni danger ni peur.

Malgré cela, Gallipoli reste un film à voir pour la représentation de cette jeunesse candide et utopique, pour les bels élans de solidarité et de camaraderie et pour son approche d'un monde qui découvre la guerre, même si son évolution suit un chemin un peu balisé.

Créée

le 3 août 2023

Critique lue 7 fois

Procol Harum

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