Critique rédigée en novembre 2018


Après une bien vive démonstration de cet univers difficile qu'est le 4ème art (la musique, ndlr) à travers ses deux premiers métrages, Whiplash (2014) et La La Land (2016), le jeune Damien Chazelle revient avec l'adaptation du roman First Man, biographie romancée de Neil Armstrong (1930-2012), véritable symbole de l'histoire des États-Unis et de l'humanité.
First Man est donc un pari risqué de la part de Chazelle, non seulement dans sa manière d'explorer le vécu d'un homme d'une telle importance, mais en plus parce que suite au succès sans précédent connu avec La La Land, il est délicat de faire un tout autre film différent, et ce en partie à cause de la présence d'un Ryan Gosling plus prolifique que jamais !


Le film se centre ainsi sur la vie du célèbre astronaute (interprété par Ryan Gosling, y retrouvant ainsi un personnage de héros discret et très peu bavard, comme il le fut en 2011 avec Drive), aussi bien privée que publique. La décennie 1960 lui sera chargée de coups de gueule, en particulier dans sa vie familiale et les nombreux sacrifices de son entourage dont il sera témoin, ainsi que d'exploits, dont celui d'être évidemment le "premier homme sur la Lune".
Tout d'abord, on constate d'emblée qu'avec First Man, Chazelle parvient à faire de l'"anti-Chazelle", c'est-à-dire qu'il ne réinvestit jamais ce qui a fait la qualité du précédent film. Une très bonne manière de montrer les différentes facettes de son talent de metteur en scène, et surtout pour ne pas lasser le public.
Cette volonté de s'affranchir de son image de "réalisateur musicien" fait de lui un véritable magicien en y laissant place une ambiance sobre mais souvent mélancolique, portée par la tendre musique du talentueux compositeur Justin Hurwitz (les mêmes Whiplash et La La Land), surtout dans les scènes de vol. Tout au long, à l'exception de l'indéniable beauté esthétique des scènes de vol, le visuel est plutôt sale, "documentaire" (seront incluses des séquences ponctuées d'images d'archive remontant à plus d'un demi-siècle!) et à la caméra agitée tel un film issu du Dogma95. Tout ceci est favorable à imager le réalisme de l'époque à laquelle Armstrong doit faire face, plutôt que de pénétrer dans la tête de celui que l'on décrit comme un pilote distrait et rêve (soit dit en passant, le film accentue aussi beaucoup le détail,


notamment lorsque Neil, hébété après avoir appris la mort accidentelle de plusieurs de ses collègues, retrouve sa main en sang après avoir inconsciemment détruit le verre qu'il tenait dans ses mains.


Scénaristiquement, le film possède la structure classique du genre biopic (aujourd'hui principalement associé à Bohemian Rhapsody actuellement en salles ; ou encore, dans le même genre scientifique, Une merveilleuse histoire de temps (2014) et The Imitation Game (2015)).
Même s'il s'agit plutôt de représenter les démarches parcourues par Armstrong afin d'accomplir son odyssée, nous découvrons bien-sûr sa vie familiale à travers toute une petite histoire peu connue par le grand public. Celle-ci va tourner autour des relations quelque peu tendues entre Neil et son épouse Janet par rapport à leurs différentes orientations et leur questionnement sur le devenir de leur vie de famille, mise à rude épreuve dès le début de l'histoire.


Tout en respectant le constat du biopic, nous retrouvons ce qui fait toute l'essence du cinéma de Chazelle, à savoir, le thème de la volonté de parvenir au bout de ses rêves, et ce malgré les embûches réservées par la vie


(les difficultés familiales vécues par Armstrong ici, en particulier marquées par la maladie dont souffre l'une de ses petites filles, et finissant par y succomber ; ainsi que les dures conditions de travail lors des entraînements spatiaux et de la mission "Gemini 8").


Notons aussi quelques références à La La Land avec le récit du passé de Neil par son épouse, et les plans centrés sur les vinyls rythmant les réflexions du personnage.


Néanmoins, le film appuie trop du doigt sur ces difficultés faisant du travail d'ingénieur de la NASA un véritable défi quotidien. En effet, le film accumule dans sa première partie les scènes de violence provoquées par les tests de la fusée, le rendant souvent longuet...


(celles-ci peuvent se résumer à travers la scène d'introduction, dynamique et nous faisant rentrer d'emblée dans le feu de l'action)


...ce qui n'empêche pas de prouver dans le même cas que ce travail adoucie les maux de Neil, grâce à sa volonté de vouloir rendre les Etats-Unis supérieurs à l'astronomie sous influence soviétique.


(et ce, même si les entraînements sur les simulateurs lui provoquent des soucis de santé)


Un récit essentiel et joliment conté, dans la continuité de ce qui est récemment paru parmi les biopics. A savoir, une histoire digne d'une fiction tant les événements sont inattendus, une mise en scène atypique et le tout ponctué d'émotion. Un très bon moment passé, de plus, en salle Dolby.


PS: il n'y a pas de référence pompeuse à 2001 avec un coup de "Blue Danube", ça ne peut pas être mauvais ^^

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le 18 déc. 2020

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Chazelle se loupe avec cette évocation froide et ennuyeuse d'où ne surnage aucune émotion.

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