Lever les yeux au ciel... Vers les étoiles... Dansant sur la voie lactée et au sein de cet espace, frontière de l'infini. Cet espace, c'est aussi celui des rêves d'enfant. Ceux dans lesquels on devient astronaute, afin de repousser les limites de l'inconnu.


C'est donc tout ce que n'est pas, dans un premier temps, First Man, qui réussit la performance de transformer un instant fugace de grâce muette et suspendue, affranchie de toute pesanteur terrestre, en séquence terrassante de tension et de peur qui secoue avec force son pilote impuissant et le spectateur qui est entraîné dans sa chute.


Damien Chazelle semble ainsi vouloir garder à distance la petite histoire spatiale que tout le monde connait, rayonnante, celle à laquelle le public est resté accroché, béat d'admiration devant des temps mélangeant l'Histoire, la technologie et la science fiction. Celle qui a vu les Etats-Unis se lancer dans une Star Wars. Cette guerre froide qui devait se gagner même quand elle se déroulait au dessus de nos têtes.


Loin du spectaculaire viscéral de Gravity, ou encore de la science réaliste et extrêmement sentimentale déployée par Interstellar, First Man s'acharne à ne pas livrer le biopic habituel d'un héros purement américain et à évoluer vers une sorte de modestie austère ramenant sa figure de proue à la stature d'un simple être humain. Fracassé, taciturne, de peu de mots, passif et dans l'impossibilité constante de communiquer ce qu'il ressent.


Neil Armstrong sera donc moins un First qu'un Last Man, tant l'oeuvre met l'accent sur le sacrifice, le sang et les larmes qu'ont charriés les programmes Gemini et Appolo. Tout comme sur cette pression permanente, cette peur d'y laisser sa peau, d'être le prochain à tomber pour l'histoire, mettant à l'épreuve la solidité des familles, le soutien et l'effroi des épouses, celui qui parcourt l'échine quand les communications radio se coupent soudainement. Le tout dans un long métrage balançant entre le documentaire au grain de pellicule parfois épais, non dénué de charme, et de nombreux plans shootés à la première personne pour mieux s'inscrire dans les pas de l'homme qui a réussit à décrocher la lune.


La reconstitution effare ainsi parfois, alors que ce que l'on imaginait ultra technologique se révèle sous la caméra immersive de Damien Chazelle minimaliste, rapiécé, précaire et extrêmement dangereux, reléguant la légende lumineuse du programme spatial au second plan pendant les trois-quart de la projection.


Ce n'est qu'à l'occasion du voyage final que First Man se connecte à ce sentiment de merveilleux que l'époque a dû ressentir devant sa télé en noir et blanc, cette incroyable suspension d'incrédulité devant l'Histoire en train de s'écrire. Une séquence, peut être la seule du film, où les yeux de Neil brillent et s'abreuvent aux sources du rêve... Avant que la réalité ne prenne le contrôle. Puis le silence. Et ces mots connus de tous passés à la postérité.


L'émotion conclut le film avec une certaine grâce, parfois analogue au motif familial aperçu dans une oeuvre comme Premier Contact. Mais toujours dans un certain silence, une pudeur et ce regard à la fois perçant et fragile d'une Claire Foy en parfait contrepoint d'un époux qui, d'un simple geste, brise métaphoriquement ce plafond de verre qui les a longtemps séparés.


Behind_the_Mask, fly, people fly...

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le 17 oct. 2018

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JorikVesperhaven
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Chazelle se loupe avec cette évocation froide et ennuyeuse d'où ne surnage aucune émotion.

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