J'avais lu des mauvaises critiques sur ce film, et puis ce fut une assez bonne surprise finalement. Comme quoi, faut savoir insister quand un film nous tente.


On l'a vu avec ma fille de quinze ans, et on a bien apprécié toutes les deux.


Les actrices sont sensas (il faut dire que je suis fan depuis longtemps de Noémie Lvovsky et de Sara Forestier).


J'y ai trouvé du rythme (on ne s'ennuie pas), et un certain contenu (le thème de la prostitution féminine cachée est bien traité).


Certaines scènes de confidences au bordel sont truculentes, comme celle où Maman, jouée par Noémie Lvovsky feint la jouissance, et celle où elle confie la chose la plus dégueulasse qu'elle ait vu dans son "métier".


J'ai trouvé les relations avec les familles et ex bien construites et plutôt intéressantes, avec les thèmes certes classiques de la tromperie, de la violence, de la déshérence sentimentale, et de la solitude face aux galères de la vie.


Il y a de la solidarisé féminine et ça j'ai aimé. Solidarisé dans les galères, dans le quotidien, et face aux hommes.


Et ces filles rigolent bien ensemble. Il faut les voir se taper des fou-rires sur les canapés du bordel, ou après la scène de vengeance sur l'ex de Conso.
Le deuxième co-réal Frédéric Fonteyne a déclaré qu'il avait trouvé le titre proposé par la production "Filles de joie", très juste.
" Ça correspondait parfaitement à l’impression que j’avais eu quand j’avais rencontré les filles. Oui, il y a de la joie en elles ! Quand elles se retrouvent dans leur salon, au bordel, elles rient. Parce qu’entre deux clients, c’est le moment où elles peuvent souffler, sans mari ni gamin dont elles devraient s’occuper ", précise-il (source : allociné - secrets de tournage)


C'est vrai que les hommes n'ont pas le beau rôle là-dedans, à part peut-être le mari de Maman, joué par le formidable Sergi Lopez (qui ici a hélas un rôle trop secondaire à mon goût - il aurait pu être bien mieux exploité, et cela aurait approfondi l'histoire).


D'ailleurs, dans les paroles de la co-réalisatrice, Anne Paulicevich, on comprend mieux l'origine du scénario qui est une sorte de vengeance contre les hommes.
Elle explique : "Lorsque j’ai appris que j’étais enceinte et que j’allais avoir une fille, ça a été un choc : comment mettre une petite fille au monde quand on voit l'étendue des violences faites aux femmes ? Ça m’était d’autant plus insupportable qu’à ce moment là, je sortais moi-même en miettes d’une relation de travail et d’amitié toxique avec un homme. Il m’avait tellement écrasée que j’ai eu, parfois, envie de me jeter par la fenêtre. Mais j’allais devenir mère, alors, plutôt que de me tuer, j’allais donc tuer un homme dans mon scénario."


De façon générale, le film se disperse un peu trop, dans de trop nombreux personnages.
On en perd un peu la profondeur.


J'aurais notamment aimé en savoir plus sur l’histoire de ses femmes : comment en sont-elles arrivées à traverser chaque jour la frontière pour aller se prostituer en cachette en Belgique ?

On se pose ces questions surtout pour Maman qui est infirmière, et qui visiblement ne manque pas cruellement de moyens (bien que ses grand enfants soient assez demandeurs).
Et la si belle Conso, comment en-est elle arrivée là ? Quel a été son parcours de vie avant ?
Pour Axelle, on imagine plus facilement que les raisons financières (elle élève seule ses trois enfants) constituent la raison centrale de son activité dissimulée.


On aurait aimé en savoir plus aussi sur les relations qu'elles entretiennent avec leurs "amants" passagers.
Il y en a une petite esquisse dans une scène de bain, dans laquelle Maman et son amant se font des papouilles touchantes, tandis que le client se confie sur son impuissance.


Ses femmes sont touchantes finalement, belles dans leurs corps et dans leurs cœurs. Elle sont des actrices à la vie comme à la scène.
Dans une interview, Anne Paulicevich a fait le parallèle avec des actrices qui une fois sur le plateau jouent un rôle. C'est la même chose avec ces femmes qui patientent et qui une fois dans la chambre avec le client jouent un rôle en incarnant leur fantasme. Un point assez juste, car une grande partie du film se déroule dans cette «salle d'attente» où les femmes redeviennent elles-mêmes.


C'est certain que c'est pas le film du siècle, mais ça se défend.
C'est dommage, car avec un peu plus d'efforts ce film aurait pu être sensationnel. Il en avait tous les ingrédients : thème passionnant, actrices super, cadre frontalier intéressant.


Mais bon, hélas trop de superficialité dans la psychologie des personnages, et quelques poncifs sur les banlieues et les milieux populaires (la drogue, l'ex violent jaloux, la mère paumée, les jeunes désœuvrés) qui ternissent un peu le propos.

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le 7 juil. 2020

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