Un film fort utile en ces temps ou les pires amalgames et des vérités sentencieuses sont érigées à l'encontre d'une population pointée du doigt après l'année tragique que nous venons de vivre. Il réhabilite avec justesse et justice ces immigrés maghrébins dont le dur labeur et les efforts d'intégration sont trop souvent ignorés ou réfutés. Cette médisance est doublement douloureuse du fait de l'acculturation des ces femmes-mères courage qui sont sont sans cesse renvoyées à une image au mieux "exotique", au pire dévoyée par le fantasme d'un Orient incivilisé et barbare. Il s'agit pourtant de cette France invisible qui récupère les taches subalternes et ingrates qui permettent à tout un chacun de vivre quotidiennement dans la propreté.


Philippe Faucon entend célébrer, et avec raison, ces étrangers dont l'économie locale bénéficie d'un apport plus que non négligeable et dont le métissage du tissu social est une réalité bénéfique et inextinguible. Il le fait avec sincérité et honnêteté et c'est bien évidemment tout à son honneur. Il est juste un peu dommage que celle-ci se fasse au détriment d'une mise en scène mais surtout d'un propos lisse. La construction du récit est bâti de telle sorte que chaque élément appuie toujours un peu plus l'étendard du film dossier. Chaque étape fait sens dans la volonté de mettre en avant la force et l'abnégation de ce personnage et rien ou presque n'entrave ce discours courtois.


Il ya bien la défiance de ses voisines envers sa fille la plus grande qui ne porte manifestement pas cette famille dans leur cœur. C'est une ébauche de ce qui aurait pu être un point de vue intéressant sur les dissemblances dans cette communauté. Elle ne s'étend malheureusement pas assez. De même que les différences scolaires dont sont affublées les deux jeunes filles sont trop schématiques pour y voir autre chose qu'un artifice qui voudrait poser sur la table la thématique de l'intégration. Les études de médecine, véritable eldorado pour bien des familles mais bien plus encore pour ces enfants d'immigrés, sont une réelle plus-valu pour l’authenticité du film mais se pose comme une trop belle évidence quand à la réussite finale de l'examen. Enfin l’ambivalence entraperçue concernant ce père divorcé intrigue et pose des bribes de questionnement que la narration évite bien fortuitement.


Entendons nous bien, ces quelques défauts décryptés ca et la n’empêche pas le film de prétendre à un universalisme enrichissant. Et il est de très bon augure que des cinéastes français se posent en observateurs avisés d'une société en pleine mutation. Les soubresauts désolants du temps récent nous rappellent que la crise d'identité que nous connaissons s'affranchit difficilement d'un discours idéologique stigmatisant L'Etranger. Cela requiert une attention toute particulière aux racines de cet endoctrinement passéiste et demande une vigilance de tous les instants pour contrecarrer les arguments fallacieux. Ce long-métrage pose courageusement les bases de ce travail de longue haleine et en ressort grandi, combien même ses qualités stylistiques et scénaristiques en pâtissent quelque peu.

Sabri_Collignon
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le 4 févr. 2016

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