L'apprenti mélomane.
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Long-métrage d'animation de James Algar, Samuel Armstrong, Ford Beebe, Norman Ferguson, Jim Handley, T. Hee, Wilfred Jackson et Hamilton Luske (1940)
« La qualité essentielle d'un artiste doit être l'audace, quel qu'en soit le prix à payer. »
Si aujourd'hui la célèbre maxime de Walt Disney tend à être oubliée par tous, et notamment par une fameuse firme aux grandes oreilles dont l'ambition artistique, hélas, se résume bien souvent au recyclage des sempiternelles mêmes recettes (Toy Story, Cars, Les Indestructibles...), elle fut néanmoins le leitmotiv de toute une époque au cours de laquelle les animateurs osaient encore faire preuve d'imagination pour flatter l'imaginaire du spectateur. Et de l'audace, il en aura fallu à Disney pour tenter de concilier art populaire et musique classique avec Fantasia, nous offrant la possibilité d'assister à la communion sur grand écran entre cinéma d'animation, opéra et ballet.
Il faut remonter à la fin des années 20, et à la création des Silly Symphonies, pour goûter aux premiers films d'animation musicaux. L'idée, alors, de mettre en scène Mickey Mouse dans L'Apprenti Sorcier, associant ainsi le poème de Goethe avec la symphonie homonyme de Paul Dukas, prend vite de l'ampleur et permet l'ébauche de ce que sera Fantasia : une série de courts-métrages revisitant joyeusement l'histoire de la musique classique. Si entre chaque extrait, l'intervention didactique du narrateur, Deems Taylor, peut sembler longuette et pesante, la musicalité de l'œuvre impressionne vraiment, grâce notamment à l'orchestration de Leopold Stokowski (et au recours, pour l'occasion, au Fantasound, l'ancêtre du son Surrond).
L'ouverture sur la Toccata et Fugue en Ré Mineur de Bach nous donne immédiatement la tonalité qui sera celle du reste du film, avec une musique qui s'unit harmonieusement avec l'image. Les formes abstraites et colorées ondulent en suivant le rythme du morceau, initiant une danse qui se verra matérialisée dans l'extrait suivant, le ballet de Casse-Noisette et ses valses gracieuses qui viennent rythmer les saisons. La danse de la Fée Dragée nous invite à l'émerveillement avec ces fées qui réveillent la nature en y déposant des gouttes de rosée, nous offrant ainsi une sorte d'accalmie poétique avant que les danses ne s'enchaînent à l'écran, unissant ainsi au sein d'une même ronde un monde vivant pourtant profondément disparate (poissons orientaux, champignons chinois, chardons cosaques). Une harmonie qui est d'autant plus réjouissante que les belles trouvailles visuelles sont nombreuses, à l'instar de la rencontre entre les Fées de l'automne et de l'hiver lors d'une Valse des fleurs en tout point magnifique. Un ballet qui constitue indéniablement un des sommets poétiques de Fantasia, tandis que le second ballet, La Danse des heures de Ponchielli, s'apparente comme son parfait contraire en désacralisant l'art classique par la parodie, donnant le sourire au spectateur après lui en avoir mis plein les yeux.
À travers l'opéra, Fantasia évoque notre monde et ses mythes sur lesquels l'Homme s'est construit. Avec le célèbre segment dédié à Mickey, L'Apprenti Sorcier, on redécouvre l'univers prenant des contes germaniques grâce notamment à un graphisme délicieusement baroque et expressionniste. Des mythes et des légendes, il en est également question dans La symphonie pastorale où Beethoven s'écoute au pays des dieux de l'olympe, entre les chevaux ailés et les centaures. Un extrait qui déçoit quelque peu, il faut l'avouer, car on ressent malencontreusement les effets de la censure (des passages, jugés racistes, ont été expurgés du court-métrage) et on subit malheureusement sa naïveté, voire sa mièvrerie. Fort heureusement, Le Sacre du printemps, qui est son parfait contraire, nous impressionne durablement par son réalisme, voire sa noirceur. Ce segment, qui est le plus long et le plus exigeant du film, ne parle rien d'autre que de la vie et de la mort, illustrant avec précision les premiers cycles de la vie sur Terre, tout en stimulant l'imaginaire avec l'affrontement entre les dinosaures.
Un imaginaire qui sera de nouveau fortement sollicité par l'ultime court-métrage, Une nuit sur le mont chauve / Ave Maria, où l'on retrouve les caractéristiques essentielles de l'univers de Disney, à savoir son manichéisme assumé et son aptitude à fasciner. Le recours à Une nuit sur le mont chauve de Moussorgski permet l'élaboration d'un univers visuel aussi sombre qu'intriguant (superbe jeu sur les lumières et les textures à l'écran), tandis que l'Ave Maria de Schubert consacre la pleine puissance de la beauté. Un final qui légitime ainsi la démarche conceptuelle de Disney, et son audace aussi, en nous rappelant que l'art est grand dès qu'il est partagé par tous.
(7.5:10)
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Créée
le 4 janv. 2022
Critique lue 57 fois
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