Quand je regarde un film, surtout de cette époque, j'aime toujours découvrir un nouveau rôle d'un acteur que j'aime bien. C'est comme débloquer un personnage, l'acteur en guise de jeu vidéo. Mais avant de parler de ceux que j'appréciais à la base, commençons par le gros morceau : Johnny. Il a redoré son blason de bien belle façon, puisque je n'avais rien vu de lui à part des bribes de Pirates des Caraïbes, et des couv' de Voici... j'étais donc pas parti pour le chérir. Mieux vaut tard que jamais, son interprêtation m'a rappelé Jim Carrey se mettant dans la peau d'Andy Kaufman se mettant dans la peau de Latka (rien que ça), de par son jeu silencieux, cette nervosité. Devenu un androïde timide - voire awkward (je soupçonne Danny the Dog de s'en être inspiré) il atteint des sommets en terme de subtilités de jeu, j'ai compté de nombreux exploits. Je ne citerai que celui qui me vient le plus facilement : la duckface crispée qu'arbore son visage entaillé, qu'il traîne tout le long du film. Elle m'a d'abord paru un peu abusée mais finalement ça se tient, cette moue éternelle : il a grandi en s'entaillant le visage, et a dû devenir très précationneux avec les mouvements faciaux. On ne fera pas allusion à ses premières masturbations.
Quant au acteur que j'ai découverts... Dianne West est géniale. Tolérante, patiente, toujours juste, selon le réalisateur lui-même LE personnage le plus représentatif de l'aspect "contes de fée" : elle fait une confiance aveugle en Edward au bout de cinq minutes, elle lui offre des émerveillements que jamais son savant de père n'a su lui insuffler avec les histoires qu'il lui racontait au lit. A peine entrés chez elle, elle lui dit qu'il rencontrera sa fille, comme si elle savait déjà l'importance qu'elle aurait. Winona Ryder, puisqu'on en parle, j'ai moins aimé, car elle est très présente dans les scènes qui m'ont le plus fait chier. Elle joue donc la fille, Kim, la seule à rejetter Edward dans ce village où tout le monde l'adule en star, la seule à réagir normalement quand y'a un putain de mec tout pâle aux mains d'ciseaux qui vit chez elle (cf. le syndrôme de Denver chez le JDG). Jusque là, je l'aimais bien pour la dimension de réalité qu'elle ajoutait à ce conte, mais Edward devint sa bitch, et s'ensuivirent des plans trognons de regards mielleux, des zooms au ralenti qui s'en finissent plus quand Edward lui sculpte un ange de glace, ou quand il passe à la télé. A des moments j'ai été dérangé par le côté fleur bleue, c'est un peu sa façon de nous dire "c'est pas juste un film de divertissement les gars". J'aurais fait sans, en tout cas.
J'ai démarré cette critique en évoquant les rôles des acteurs que j'appréciais déjà : gros virage pour Anthony Michael Hall, car dans Breakfast Club il jouait un geek inoffensif. 5 ans plus tard il se retrouve à pointer son flingue sur Johnny Depp, et en plus si tu te souviens bien il s'est déguisé en Biff Tannen mais personne dit rien. J'ai mis du temps à reconnaître Robert Oliveri, petit intello casse-couilles de Chérie J'ai Retréci les Gosses, et j'en profite pour applaudir la scène du premier dîner avec Edward. C'est là que j'ai compris que j'allais aimer le film. Je ne m'attendais à rien d'autre que du sombre (blame it on the poster), un univers fantastique, froid et lugubre genre Poudlard la nuit (blame it on the Burton fanbase), mais finalement grosse surprise (blame it on the boogie). Maisons colorées (avec l'intérieur très 90s qui -parce que j'suis pas vieux, me rend tout nostalgique), fringues et coupes de séries à l'ancienne, la jolie famille bi-parentale, les problèmes d'ados, leur désinvolture pas-bien-méchante typique de cette décennie dorée, et les gags surtout. Autant de choses qui étaient loin de me venir à l'esprit quand j'imaginais ce que c'était l'univers du film. "Mais alors pourquoi 8/10 ?" La fatalité qui s'abat sur Edward est trop frustrante, je ne l'ai pas trouvée crédible. Allez quoi, un ado qui se prend pour le patron, des malentendus et des commères qui se téléphonent ? Tu parles d'un danger. Il avait mille de fois de quoi continuer à être apprécié et déjouer son sort. Le méchant est tué à la fin (un ADO jaloux qui fait le grand, je répète), par Edward, qui n'est apparemment pas inquiété plus que ça. Il continue à tailler ses haies, tranquille, pendant que la fille qu'il aime dépérit dans une des maisons en bas de la colline. Ouais. Je le voyais arriver, que la fin allait me faire ni chaud ni froid... mais à part ça, et la mièvrerie, ce fut largement au-dessus de mes espérances.