Seeing home doesn't help us get there, Captain.

Whaou. Juste Whaou. Encore une fois je me suis demandé s’il pouvait le faire, et encore une fois il l’a fait. Encore une fois me suis demandé s’il allait finalement se planter, et encore une fois il a passé le texte avec succès. Christopher Nolan est capable de tout faire. Dunkerque en est un autre exemple.


Alors que la Seconde Guerre mondiale est sans doute l’une des périodes les plus riches en terme cinématographique ; alors que Spielberg a déjà livré le chef d’œuvre dramatique et le chef d’œuvre de guerre de cette période (La Liste de Schindler et cette putain de scène de débarquement dans Il faut sauver le soldat Ryan), Nolan s’est dit que ce serait intéressant de se pencher sur un des épisodes les moins connus : l’opération Dynamo. Et histoire d’essayer de se compliquer la tâche, la raconter à travers trois destinées dans des dimensions temporelles et spatiales différentes. Rien que ça. Et s’il nous livre au final peut-être ce qui est son plus faible film depuis Batman Begins, Nolan nous pond là encore un quasi-chef d’œuvre.


Il n’y aura peut-être pas de scène aussi intense que le débarquement de Normandie filmé par Spielberg ; mais l’ensemble du film se révélera au final presque plus intense. Parce que Nolan, fidèle à son style, à son cinéma, insuffle dans ce film de guerre historique une petite dose de thriller. Une tension sous-jacente qui nous attrape à la gorge dès la première minute et ne relâchera son étreinte qu’à la toute fin. Le tout donnant un rythme parfaitement maîtrisé pour un film qui s’avère être le plus court de son réalisateur depuis ses débuts et qui, pourtant, pourrait presque paraître aussi long qu’Interstellar tellement il est dense et intense, tellement il nous maintien en apnée durant toute sa durée.


Les trois intrigues ne se vaudront pas, ma préférence allant à celle dans les airs, notamment parce que la relation entre les personnages et celle qui a fonctionné le plus pour moi, m’a le plus donné envie de m’y attacher ; cependant les deux autres restent tout aussi intéressantes et efficaces. J’ai bien aimé par exemple le fait que certains personnages ne sont pas introduits, qu’on est plongé directement au cœur même de leur action et qu’on doit s’adapter pour survivre et les suivre. Néanmoins, c’est surtout dans la façon dont les trois intrigues s’articulent entre elles que le film m’a le plus enchanté, comment cela se révèle un peu chaotique au départ et puis, au fur et à mesure qu’on se rapproche du point d’orgue, comment l’ensemble se transcende en se rejoignant. On sent que Nolan s’est un peu inspiré de ce qu’il avait fait avec Memento et Inception pour la structure narrative, sans pour autant réussir complètement à recréer l’alchimie.


Pourtant, ce qu’on retiendra de ce film, c’est qu’il n’y a au final pas grand-chose à dire. Parce qu’il n’y a pas grand-chose à expliquer ou critiquer. Parce que le film, comme l’avait indiqué Nolan il y a quelques mois, repose surtout sur ce que le spectateur ressent dans ses tripes, de ce que l’écran lui transmet. Et ça, nous sommes tous différents à ce sujet, mais surtout on ne peut pas vraiment expliquer ce qui est viscéral. J’ai déjà cité Spielberg comme référence pour le genre. J’aurais pu également parlé de Kubrick, de Scott, Eastwood, Coppola… Et pourtant, ce qui ressort le plus de ce film, c’est son lien avec le cinéma de Terrence Mallick. Si Interstellar pouvait se rattacher très facilement à 2001 : l’odyssée de l’espace ; Dunkerque m’a fait énormément penser à La Ligne Rouge, dans la façon d’aborder son récit, d’aborder ses personnages, de les faire agir et interagir. Et surtout, dans ce qu’on ressent au final.


Le casting sera globalement bon, pour différentes raisons. Ainsi, Tom Hardy et Mark Rylance auront des rôles qui leur convient parfaitement et les interpréteront dans un style qui leur est propre. Tout comme Kenneth Branagh qui se retrouve dans un rôle très théâtral au final, toujours dans ce même costume, ce même décor mais avec l’intrigue évoluant autour de lui. Presque s’il n’a pas droit à un monologue shakespearien. Cillian Murphy sera dans l’ensemble plutôt discret, mais une nouvelle fois très bons dans son rôle. J’ai beaucoup apprécié Jack Lowden, dont l’évolution du personnage m’a un peu surprise. Un peu moins convaincu en revanche par le casting « jeune » du film, même si Fionn Whitehead proposera quelque chose là aussi de très viscéral dans cette course contre la montre.


Quant à l’aspect technique, Nolan nous éblouit une fois de plus par sa maîtrise. On aura d’abord la musique de Zimmer, très différente de ce qu’il avait fait pour Mallick, omniprésente et pourtant plutôt discrète, créant cette tension palpable tout au long du film, nous oppressant jusqu’au final libérateur. On aura également encore une fois des effets spéciaux toujours plus incroyables tant ils se passent de CGI : que ce soit le naufrage des navires, les duels aériens, les crashs, les scènes de bombardement… Tout est fait pour nous plonger au cœur de cet évènement sans qu’on y soit préparé. Les décors participeront également beaucoup à cette impression, avec une reconstitution crédible et réaliste.


Mais voilà, encore une fois, c’est dans la mise en scène que Nolan excelle. Encore une fois, je vais le redire, mais ce film est à voir en IMAX. Non seulement parce qu’il est grandiose et que le format utilisé permet d’accentuer cet aspect sur la plupart des scènes, que ce soit sur l’eau, sur terre ou dans les airs (à en donner le vertige) ; mais aussi parce que Nolan a fait l’effort de rendre cet outil utile à la façon de raconter le film, avec carrément du steady cam, sur des Spitfire en l’air, ou même en caméra subjective…


Chaque nouvelle scène va apporter un petit plus, chaque plan est capable d’utiliser un concept classique et de le transcender (lors du naufrage d’un des navires, avec une caméra fixée au pontant, transformant l’eau en véritable mur infranchissable qui traverse l’écran inexorablement). Tout cela contribue à faire de Dunkerque un film tout simplement magnifique à regarder. Et en plus, l’IMAX c’est un format d’image particulier, mais c’est aussi un format sonore à part ; et c’est primordial pour ce film. Avec ses balles qui siffles à nos oreilles, nous transperces, ces explosions qui nous secouent de l’intérieur et font trembler nos corps. L’expérience est totale, absolue, complète.


Avec son dixième long métrage, Nolan signe là ce qui est peut-être son film le plus ambitieux et risqué. C’est également un film plus personnel, comme ceux d’avant l’ère de la Dark Knight Trilogy. Et cela reste toujours un régal. Dunkerque se positionne comme le meilleur film de cette année jusqu’à présent, mais surtout comme l’un des meilleurs films du genre qui était pourtant déjà bien garni.

Créée

le 10 août 2017

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vive_le_ciné

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