Du soleil pour les gueux
7.7
Du soleil pour les gueux

Moyen-métrage de Alain Guiraudie (2001)

Il n’y a je pense pas de cinéma qui me parle plus intimement que celui de Guiraudie, non au sens où je m’y retrouverais beaucoup mais au sens où je me sens en correspondance parfaite avec sa fantaisie, son ambiance, sa dynamique. Chaque séquence, plan ou situation me semble merveilleusement dosé, avant d’éveiller en moi curiosité et fascination. On peut parfois être gêné par quelque chose, pas forcément grand-chose d’ailleurs mais chez Guiraudie j’aime absolument tout. Tous ses choix, toutes ses idées. Et je le sais dès le premier plan, à tous les coups. J’ai la sensation géniale que quoi qu’il arrive son cinéma va me transporter, me sidérer, peu importe comment, je le sais. Alors je m’investis mais sans forcer, tout naturellement. Et c’est génial. Merveille sur merveille. Du soleil pour les gueux aussi, donc, inévitablement. Il y a cette absence de temporalité qui accentue ce décalage Guiraudien. Pas de durée précise. Pas de temporalité précise. Un mélange entre l’éternel et le moderne, le film social et le western chevaleresque. Un conte moderne, sans âge mais tout à fait ancré dans son propre temps. Cette spatialité absurde parfait ce propre monde. Ces personnages (aux noms génialement improbables) construisent ce propre langage. C’est tout de même l’histoire d’une femme, Nathalie Sanchez, qui part à la recherche de bergers d’Ounayes, dans le parc naturel régional des Grands Causses et fait la rencontre du berger Djema Gaouda Lon, qui a perdu ses bêtes. Ils croisent régulièrement Carol Izba, un bandit d’escapade fuyant sans fin (il doit rejoindre Montpellier mais n’arrive pas à se résoudre à quitter ses terres) et Pool Oxanosas Daï, un guerrier de poursuite à ses trousses. Bordel, rien qu’en le résumant j’ai envie de le revoir derechef. Guiraudie n’a de cesse d’être intéressé à la fois par le dialogue et l’immensité, l’espace et l’absurde. Là où ailleurs on aurait posé sur cette immensité, lui l’utilise en tant que fer de lance d’un récit certes carabiné mais toujours cohérent avec l’atmosphère qui l’englobe. Il y a toujours ici ou là, une idée, un truc. Si l’on craint par exemple là un virage commun (la course en plan d’ensemble) le film s’en détourne aussitôt plutôt curieusement (l’un s’arrête et fait croire qu’il ne va pas repartir). Et d’un autre côté, si l’on craint de voir le film tomber dans un potache emphatique sans conséquence, on s’en relève aussitôt en constatant qu’il est un brillant essai de cinéma fourmillant d’idées. Ailleurs, ces personnages auraient été construits autrement, pour être plus crédibles. Ici, celui que l’on pensait invulnérable, finit par accuser le coup, forcément. Il n’y a pas de règle chez Guiraudie. Aucune règle mais une élégance à nulle autre pareille.
JanosValuska
8
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le 17 sept. 2014

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