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Rien n’est réel. Comment ne pas s’enthousiasmer à l’idée de se coller une bonne biture en compagnie de la fine équipe de Thomas Vinterberg ? Drunk, qui aurait pu être un des grands moments de ce Cannes 2020 vient investir nos salles qui ont grand besoin d’un moment d’égarement avant de se prendre une nouvelle claque.


Lassitude et ennui. Que faire dans un quotidien devenu sans saveur ni substance ? Martin (incarné par un Mads Mikkelsen toujours aussi magnétique), ce professeur d’histoire, ne voit presque plus sa femme qu’il ne fait que croiser, et ses élèves n’ont que faire de ses cours qu’ils ignorent face à sa désinvolture. Leur seule preuve d’ « attention » sera une assemblée avec des parents venant lui demander des comptes. Martin est là, et absent en même temps. Comme une coquille vide, que le travail et la société ont gentiment mis de côté pour en faire un être dont la chaleur de la vie semble s’être échappée depuis longtemps. Avec ses amis, également professeurs, il passe le temps, toujours de manière raisonnable. Mais peut-être que le problème est là. Car un psychologue a dit que notre organisme a un déficit naturel en alcool qu’il nous faut compenser pour nous libérer et trouver la joie de vivre. Qu’à cela ne tienne ! Quelques verres par ci, par là, qui le verra ? Et quel est le risque ?


Quelques verres pour se désinhiber, pour briser la carapace qui restreint nos mouvements, et ressentir la caresse de l’air libre sur la peau. Drunk célèbre le doux art de la cuite dans de joyeuses séquences montrant ces professeurs passablement éméchés, dont on aurait envie de pointer du doigt l’irresponsabilité, mais dont la joie retrouvée et la douce maladresse qui les accable crée un attachement immédiat avec eux. Plus que d’une volonté de se libérer, c’est une véritable quête, une expérience que se livrent ces quatre amis, appliquant ces drôles de préceptes aux effets bienfaiteurs, reconstruisant le lien entre ces hommes marginalisés et le monde qui les entoure. Thomas Vinterberg filme avec tendresse ces joyeux cobayes de la cuite, retrouvant le goût de la vie, à la joie communicatrice, nous installant dans un confort préparant le dur retour à la réalité.


Des amusantes et joyeuses séquences d’Un singe en hiver et de Voyage à Tokyo, nous voici soudainement plongés dans la détresse et la gravité de L’Ange ivre et de Le Poison. Car nous le savons bien, les effets de l’alcool demeurent incontrôlables, et la volonté humaine d’aller toujours plus loin et d’en vouloir toujours plus s’associent difficilement avec la boisson. Après la cuite, le black-out, et la gueule de bois. A peine le contrôle a-t-il été repris sur la vie qu’il a fini par s’échapper et faire revenir la réalité de plein fouet. Dans un pays où la consommation d’alcool est un véritable problème, Thomas Vinterberg appuie là où ça fait mal, sachant, comme il a toujours su le faire, créer ces moments particuliers qui créent en nous un flot d’émotion soudain qui nous frappe. Du rire nous passons au larmes, pour que l’humanité s’exprime dans une mélancolie douce-amère complétant une joie naïve.


Toujours très proche de ses personnages, dans un style résolument naturaliste, Thomas Vinterberg capture avec sensibilité et intelligence notre rapport à la réalité, à la société et au monde qui nous entoure. Autant dans les excès d’allégresse que la dépression, c’est avant tout l’humanité qui s’exprime, une humanité faillible, sans quoi elle perdrait tout son sens. Fuir est une solution, mais elle n’est pas pérenne. Drunk le rappelle, montrant le fragile équilibre entre le fait de se conformer à la réalité, et celui de s’en échapper pour s’exprimer, le juste milieu étant, sans aucun doute, d’être soi-même, avant tout.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

JKDZ29
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le 15 oct. 2020

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