Parfois, les suites sont meilleures que les originaux (PARFOIS)

Ah bon ? T'as été voir un dessin animé ? Non mais t'as quel âge - 7 ans ?

Depuis la nomination de La Belle et la Bête à l'Oscar du meilleur film en 1992, le film d'animation a fait du chemin et est progressivement sorti de la case "public enfant". Cette émancipation s'est faite au prix de nombreux progrès techniques et grâce à plusieurs oeuvres qui privilégiaient la beauté de l'animation et la multiplicité des degrés de lecture (en particulier les productions Pixar, avec les Toy Story, Là-haut et tant d'autres).

Néanmoins, les a-prioris sont toujours présents et nombreux sont ceux qui voient encore dans l'animation un sous-genre dénué de profondeur. Je propose donc à tous les grincheux de regarder Dragons 2 et de m'expliquer avec un argumentaire développé en quoi ce film est moins "adulte" que, disons, Fast & Furious. Allez-y, j'attends.

Ce qu'il faut retenir du visionnage de ce second opus, c'est au final que l'animation a de beaux jours devant elle, qu'elle n'est définitivement pas un type de cinéma mineur, et surtout que Pixar n'a pas le monopole du talent.

Pour ceux qui ont aimé le premier : n'ayez crainte, c'est tout aussi bien - et même mieux. Faisant mentir l'adage selon lequel les suites sont toujours moins bonnes que l'original*, Dragons 2 est plus intense, plus créatif et plus ambitieux que son prédécesseur.

C'est toujours aussi beau visuellement (toutes les scènes de vol sont somptueuses), et le réalisateur Dean DeBlois se paye même le luxe d'inclure quelques références au maître japonais de l'animation, j'ai nommé Hayao Miyazaki (Mon voisin Totoro, Princesse Mononoké, Le voyage de Chihiro, tout ça tout ça). Les moments de poésie sont légion et on ne s'ennuie jamais. A de nombreuses reprises, j'ai oublié que j'étais devant un film d'animation et j'ai retrouvé l'état d'émerveillement que j'avais vécu devant des trucs comme Avatar (les scènes à l'intérieur de la caverne de glace).

L'humour, toujours omniprésent, n'empêche pas l'émotion de perspirer de chaque pore du film. Au fond, Dragons 2 c'est une oeuvre sur la famille et sur des valeurs fortes (l'environnement, l'équilibre entre nature et culture, la notion d'héritage ...). Là où la différence est la plus flagrante avec les autres films de la même catégorie, c'est dans les thématiques explorées. Le héros, son dragon et le méchant de l'histoire sont tous amputés (physiquement et émotionnellement) sans que cela ne devienne un engrenage narratif cliché ; un des personnages sous-entend son homosexualité avec tout le naturel du monde ; le film s'attarde constamment sur ce qui rapproche plutôt que de s'employer à démontrer ce qui différencie ... En bref, il y a une vraie profondeur qui est non seulement rafraichissante mais aussi extrêmement touchante (OK, j'admets : j'ai chialé).

Pour résumer, on tient le meilleur film d'animation de 2014, tout simplement. Le réalisateur dit s'être inspiré de L'Empire contre-attaque pour penser cette suite, et on comprend pourquoi. En élargissant le champ d'action de ses personnages et le territoire de son film, DuBois est monté d'un niveau, sublimant ce qui était déjà réussi. Il y a aussi des effluves du Roi Lion partout dans le film (les deux oeuvres déclinent une thématique à la Macbeth, comme de nombreuses critiques l'ont remarqué). L'évolution des personnages ne se fait jamais au détriment de la créativité ni de l'action, et l'équilibre difficile entre comédie et drame est ici pleinement réussi. J'attends avec hâte le troisième opus, curieux de savoir comment faire encore mieux que ce très joli film dont on sort le coeur débordant de sentiments trop forts pour être exprimés.