Les quelques jours grotesques d'émancipation nébuleuse et avortée d'une trentenaire au CV professionnel et de vie proche du néant. Une impulsion l'emporte après un (probable énième) rappel de son plantage et une humiliation (elle-même avortée et c'est le comble de la cruauté) ; la voilà dans un rôle à la fois oppressant et réjouissant, où elle se régale d'être détestée et d'hystériser – des hypocrites qui n'ont qu'un prétexte à leur hooliganisme ; une église secrètement pragmatique ; une journaliste tout aussi imbuvable qui tâche de booster sa carrière en épinglant des bouseux patriarcaux et obscurantistes.


S'instaure un cirque auquel font semblant de croire les participants et qui au mieux occupe les réseaux sociaux – à l'écart de la foule et des badauds pris à témoin. La saveur de ce film modeste est fataliste, suffisamment comique et résignée pour encaisser l'aigreur de Petrunya ; elle reste seule absorbée dans le trou noir où elle s'est enfermée, incapable de nouer des liens sereins ou constructifs avec le monde ; à défaut de sentiments lourds, nous partageons son impuissance en la regardant s'interdire un peu plus de vivre. Son mal-être ne vient pas du ciel ; écrasée, elle s'est tassée elle-même ; volontaire mais surtout orgueilleuse et rigide, elle libère sa rage contre une mère perpétuellement dans le dénigrement en douceur – mais c'est un pli de ces personnalités, dans la dénégation face à tout ce qui les gêne avec une plasticité dans le reproche ou le réconfort vains qui n'ont d'égal que leur médiocrité résolue dans tous les domaines de la vie (sous lequel couve un conformisme jaloux, qui les pousse à des colères et des agressions plus ouvertes ou conséquentes).


La situation est malheureusement insoluble et ce film a le mérite de composer et se conclure d'une façon stérile mais logique. Le féminisme de la chose semble évident mais il est tellement non-triomphant que Petrunya m'apparaît comme un film sensible, tendre et réaliste à l'égard de son personnage (prisonnière au bord du vide), plutôt que comme une œuvre de combat ou même de posture. Instrumentaliser l'objet c'est se faire le miroir de ceux qui dans le film instrumentalisent la situation, née d'un salvateur pétage de plombs.


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le 19 nov. 2021

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